L'hydraulique numérique aide à mettre un pont en place


Irene Kremer, Enerpac BV,
collaboration spéciale

 

Les circonstances locales rendent parfois impossible la construction sur place d'un pont. Celui-ci doit alors être assemblé sur un terrain voisin ou sur un talus pour être déplacé ensuite vers sa position définitive. Ainsi fut fait à Schaerbeek dans l'agglomération bruxelloise, où un pont en acier d'une longueur de 140 m et pesant plus de 1600 t devait être glissé au-dessus de plusieurs voies de chemin de fer. Enerpac fut chargé de surveiller et éventuellement de corriger à l'aide de son système hydraulique numérique "Synchronous Lifting System" les mouvements et les forces générés pendant la translation.

Ce nouveau pont de chemin de fer a été construit par Victor Buyck Steel Construction, un important constructeur belge de niveau international, sur ordre de la Société Nationale de Chemins de Fer Belges. Le pont a été transporté en pièces détachées et a ensuite été complètement assemblé sur un des côtés du viaduc récemment construit. Fin octobre 2005 tout était prêt pour commencer à glisser le pont en place. Vu l'intensité du trafic sur les voies ferrées que le pont devait franchir et le fait que, pendant l'installation, la circulation ferroviaire devait être suspendue, le constructeur ne disposait que de 48 heures pour glisser le pont en place.

Interactions complexes des forces
Une construction métallique peut être considérée comme fixe et rigide, rien n'est cependant moins vrai. Certainement pas lorsqu'il s'agit d'un pont d'une telle longueur et d'un telle poids. Lors de la translation, d'énormes forces vont se manifester. Sous l'influence de ces forces, la construction métallique et certainement sa partie supérieure seront soumises à de fortes tensions variables provoquant rien de moins que son fléchissement.

Pour permettre un déroulement régulier de l'interaction des forces pendant le déplacement du pont, et éviter que les tensions ne deviennent trop fortes, il fallait mesurer les forces de traction et de poussée qui apparaissaient, et si nécessaire les diminuer. D'autre part la verticalité du pont devait bien sûr être contrôlée en continu.

Dans ce type d'application, contrôler et corriger manuellement ne permet pas d'obtenir une précision suffisante. Une trop grande variation entre les différents points d'appui provoque des tensions inadmissibles lesquelles peuvent avoir des influences négatives sur la construction. De plus, un contrôle et une correction manuels demandent vraiment beaucoup de temps et ce temps les constructeurs n'en disposaient pas. Raison pour laquelle on a demandé à Enerpac de participer au déplacement du pont à l'aide de son "Synchronous Lift System" éprouvé mondialement.

Remorques plateau et Strand-Jacks (vérins traction de câbles)
La première phase du déplacement consistait à installer des deux côtés sous le pont, comme points d'appui arrière, plusieurs remorques plateau à axes multiples (Mammoettransporters) commandées hydrauliquement. Pour la deuxième phase - les remorques ne pouvant aller au-delà d'un certain point - un système de traction hydraulique "Strand-Jacks" devait tirer le pont mètre par mètre à l'aide de câbles pour effectuer le restant du parcours. En outre, vu que le pont devait être lancé à partir d'un terrain en pente descendante présentant une différence de niveau de 2 mètres, un système de freinage annexe était également prévu.

Pour servir de soutien pendant le déplacement entre les parties du viaduc, huit piliers temporaires en acier furent construits. Chaque pilier était équipé d'une croix articulée en acier appelée "fléau", munie de forts ressorts et destinée à compenser la force, le déplacement angulaire et le fléchissement de la sous-poutre du pont. Deux vérins hydrauliques étaient montés sous chaque "fléau". Ces vérins servaient en premier lieu à maintenir la construction à hauteur exacte. Des plaques antifriction en téflon, placées entre le "fléau" et la sous-poutre, servaient à diminuer au maximum la résistance au glissement pendant le déplacement. Pour une répartition plus sûre de la charge et pour limiter quelque peu le fléchissement et les tensions pendant le glissement, la tête du pont était équipée d'un avant-bec.

Forces sous contrôle
Les forces et les tensions qui pouvaient agir sur chaque point d'appui pendant le déplacement, avaient été calculées avec précision par Victor Buyck Steel Construction. Pour contrôler et au besoin corriger ces interactions complexes des forces, Enerpac installa un système de surveillance spécialement construit dans ce but. Ce système comprenait 32 points de mesure (28 furent utilisés) installés sur autant de vérins hydrauliques, une centrale hydraulique avec pompe 700 bars, une commande CLP et un système ordinateur permettant d'afficher tous les mouvements et toutes les forces. J.P. Vrombaut de Victor Buyck Steel Corporation, en charge du projet, était déjà extrêmement satisfait pendant l'exécution. "Cela avance bien" disait-il, "beaucoup plus rapidement que nous nous y attendions, grâce à Enerpac."

L'hydraulique et l'électronique du système ont été étudiées et développées par une équipe de spécialistes du "Enerpac Center of Excellence" en Espagne. Le matériel, ainsi qu'il est d'usage pour ce type de projet, a été loué par Enerpac au donneur d'ordre. L'installation et l'exécution ont été confiées aux spécialistes anglais du groupe "Heavy Lift Team" d'Enerpac. La durée totale du projet - montage, essais, exécution et démontage - fut de deux semaines.

Système de levage synchronisé : hydraulique numérique
Le "Synchronous Lifting System" d'Enerpac est une combinaison de l'hydraulique et de contrôles et commandes faisant appel à la technique numérique. Qu'il s'agisse d'un pont ou d'un immeuble complet, ce système utilise une méthode extrêmement efficace pour déplacer et positionner, verticalement et horizontalement.

L'ensemble du système est construit de façon à ce que les divers points de mesure et les vérins restent stables et qu'ils ne s'influencent pas l'un l'autre lors du contrôle du mesurage de la course et des forces. Le système de commande reçoit les signaux électroniques des capteurs de course et des capteurs de pression des vérins.

Par l'intermédiaire des capteurs de pression, la force développée par chaque vérin est calculée en continu par l'ordinateur. Le système contrôle la position et les mouvements de chaque vérin séparément et commande, si nécessaire, la pompe et les distributeurs afin que les forces gardent des valeurs correctes. De cette façon, chaque point de l'objet est déplacé et positionné automatiquement et parfaitement synchronisé avec une précision de 1 mm.

Lorsque la force ne correspond plus à la valeur prévue, la fonction pression est enclenchée. La vitesse d'exécution de l'ordinateur permet de commander rapidement les distributeurs hydrauliques en leur envoyant de courtes impulsions. Il en résulte que les mouvements individuels de chaque vérin sont beaucoup plus courts que lors d'une commande manuelle. Dès que le mouvement du vérin dépasse la limite tolérée, un signal d'avertissement est émis et l'ensemble du déplacement est arrêté manuellement ou automatiquement.

 

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