La réhabilitation des sites urbains contaminés




par Nathalie Ross, M.Sc.

 

La constatation d'une dégradation du tissu urbain par la présence de terrains contaminés et inutilisés a maintenant fait le tour des pays industrialisés tant et si bien qu'en Amérique, autant qu'en Europe ou en Asie, des projets de remédiation s'organisent couvrant les aspects: technologiques, financiers, légaux, d'implication de la communauté et de réutilisation des sites. Ces sites, appelés "brownfields" en anglais, sont majoritairement sous-utilisés en raison des coûts rattachés à leur décontamination. Dans une vision de développement durable et global, il apparaît évident que la perte totale engendrée par la diminution de la qualité de vie économique et sociale des villes et des centres-villes surpasse largement les ressources à injecter pour la réhabilitation de ces sites. Au Canada, on dénombre 2 900 sites urbains contaminés, dont 300 à Montréal, et en 1998, deux programmes majeurs visant l'atténuation de cette problématique ont vu le jour.

Un Partenariat entre le MEF et les industriels
Le 15 juin 1998, le Ministre de l'Environnement et de la Faune (MEF), monsieur Paul Bégin, a signé un protocole d'entente, d'une durée de 5 ans, visant la réhabilitation de terrains contaminés des villes de Québec et de Montréal (tableau 1). Cette entente permettra au MEF d'investir 20 millions $, assumant 50% des coûts d'opérations pour la décontamination des site urbains préalablement sélectionnés. En plus de promouvoir un accroissement de l'activité économique, Monsieur Bégin soutient que le re-développement des terrains incitera un retour au centre-ville et donc, amènera une augmentation de l'assiette fiscale pour Montréal et Québec.

 Tableau 1 ­ Cadre normatif du programme du MEF sur la réhabilitation des terrains contaminés en milieu urbain
Travaux admissibles Règles d'éligibilité au programme
Traitement en place ou hors site; Étendue du gain environnemental;
Excavation ou confinement de matériaux contaminés; Contribution à la revalorisation du tissu urbain;
Gestion des matériaux de démantèlement; Potentiel de développement du site;
Analyse de risques sur l'exposition des matériaux; Retombées économiques du projet.
Études inhérentes aux projets de décontamination.  

Un soutien des projets de recherche & développement à la Ville de Montréal
Afin de contribuer à la relance économique de la Ville de Montréal, la municipalité, ainsi que l'Institut de recherche en biotechnologie (IRB) et le gouvernement du Québec, représenté par le Centre de recherche minérale (CRM), ont fondé le CEMRS: le Centre d'excellence de Montréal en réhabilitation des sites. La contribution du CEMRS se situe dans le support scientifique et technique apporté à des partenaires, privés ou publics, pour la mise au point de méthodes et de technologies propres aux sites urbains contaminés (tableau 2). Suite à un appel de lettres d'intention effectué le 22 mai 1998, le CEMRS a procédé à un processus de sélection pour ne retenir que 12 lettres sur un total de 22 projets soumis. Les projets sélectionnés totaliseront un investissement de 5 millions $ au cours des prochaines années. La désignation des sites sélectionnés doit être rendue publique sous peu et l'installation des infrastructures est prévue dans les mois subséquents.

Tableau 2 - Activités du CEMRS pour l'avancement des connaissances sur la décontamination des sites urbains
Étape du processus Objectif
Caractérisation du site Élaborer ou adapter des méthodes scientifiques pour la caractérisation environnementale des sites, incluant l'étude de la forme et du comportement du contaminant;
Technologie de décontamination Développer ou adapter des technologies de traitement des sols urbains, où la contamination est habituellement mixte, c'est-à-dire incluant des molécules organiques (ex. diesel) et inorganiques (métaux lourds);
Contrôle et suivi Élaborer et adapter des méthodes scientifiques pour le contrôle technologique et le suivi environnemental des sites;
Gestion du site Concevoir des méthodes novatrices de gestion des sites, basées notamment sur l'analyse des risques écotoxicologiques et de santé humaine, sur l'atténuation naturelle et sur les mesures de mitigation;
Outils informatiques Créer des logiciels d'analyses statistiques et de modélisation du devenir des contaminants dans l'environnement;
 Banque de données Constituer, mettre à jour et permettre la diffusion de banques de données concernant la problématique de contamination des sols et eaux souterraines contaminées en zones urbaines et périurbaines.

Un "success story" québécois de réhabilitation d'un site urbain contaminé
Le cas de décontamination du site de Kemtech à Montréal-Est a montré l'intérêt des investisseurs à faire l'acquisition de sites urbains contaminés dans la perspective où la responsabilité du propriétaire envers la contamination s'assouplit. Ce site, mis en vente suite à la détérioration de la situation économique de Kemtech, ne trouvait pas d'acheteur industriel en raison de la responsabilité de décontaminer, laissant au gouvernement du Québec le soin de sécuriser le site.

Une offre a été déposée au MEF par la compagnie pétrochimique Coastal proposant l'achat de la propriété sans l'attribution de la responsabilité concernant la contamination du terrain. En réponse à cette proposition, le MEF a effectué un transfert des titres de propriété du terrain dans une fiducie spéciale sur les sites urbains contaminés, alors que les titres des immeubles et des équipements ont été remis à Coastal. Cette stratégie a désengagé Coastal envers la responsabilité face à la contamination présente lors de la transaction d'achat du terrain. Coastal, en plus d'une contribution initiale de 1,7million$, doit verser annuellement dans la fiducie, une somme relative à leur chiffre d'affaires, n'excédant pas 500 000 $, jusqu'à la décontamination complète du site ou encore, jusqu'à la vente de la propriété. À ce jour, le projet a permis: 1- la remédiation des déchets dangereux du site et le confinement de la contamination dans la nappe d'eau souterraine, 2- la remise en activité d'une usine pétrochimique abandonnée, 3- la modernisation des infrastructures et 4- la création d'environ 250 nouveaux emplois.

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