Réhabilitation des canalisations souterraines: la situation au Québec


 

Par Jean-Christophe Labruguière, ing., M.ing.
collaboration spéciale

 

Réseau de distribution d'eau potable
Le Québec compte un total de 1168 réseaux publics d'aqueduc répartis dans 971 municipalités (64% des municipalités québécoises) et desservant 81% de la population de la province. Une proportion de 92% de la population desservie par ces réseaux est alimentée par une eau traitée selon divers procédés allant des plus simples aux plus complexes ; ce qui représente les trois quarts de la population totale du Québec.

La chloration simple est le principal traitement utilisé (62% des 546 stations), suivie par le traitement en usine (20%), et les autres types de traitement (8%) (source : Symposium sur la gestion de l'eau, volume 1, palais des Congrès de Montréal) .

En qui concernes les conduites d'eau potable, l'information sur leurs caractéristiques techniques ( kilométrage, âge, matériau, diamètre, état, etc.) demeure encore très fragmentaire à l'échelle du territoire. L'âge des réseaux de distribution d'eau potable correspond grosso modo aux principales périodes d'urbanisation au Québec. Ainsi, 82% du parc de logements québécois a été construit après 1946, dont 63% depuis 1961 et 44% depuis 1971 (BSQ 1995). Selon une étude préparée par l'INRS urbanisation et INRS eau, 65% des conduites ont 35 ans ou moins (excluant la ville de Montréal). C'est au cours de la période de 1976 à 1996 que l'on a installé le plus grand nombre de kilomètres de conduites.

Le constat concernant la réhabilitation des réseaux de distribution d'eau potable est peu reluisant. Le mode de gestion est peu structuré. Le manque de ressources et la méconnaissance de l'état des conduites met en évidence que la réhabilitation et l'auscultation sont des outils qui ont tous leurs places dans la gamme des moyens possibles pour conserver la vocation première de la distribution d'eau potable. L'eau est essentielle à la survie de l'être humain, et permet de sauvegarder l'intégrité physique des autres infrastructures (protection incendie, activités industrielles, etc.).

La réhabilitation permet d'inclure de nouvelles variables dans le processus décisionnel, puisqu'il s'agit d'interventions réalisées dans un cadre bâti. Cette particularité doit être prise en considération pour évaluer les actions et les choix que les propriétaires devront se poser dans les années à venir. Actuellement, le choix de la réhabilitation par rapport au remplacement systématique repose uniquement sur une base comparative inégale car, seulement les coûts directs d'intervention sont pris en considération pour juger de la pertinence et de l'efficience d'une telle méthode de remise en état. L'évaluation de la pertinence repose sur trois facteurs, soit : quelle est la question posée, quel individu pose la question, et de quelle manière la question est posée.

La réhabilitation des réseaux de distribution d'eau potable doit être traitée sur deux plans, l'un socio-économique et l'autre technique. L'aspect socio-économique doit être partagé par les différents acteurs qui possèdent chacun des visions différentes de la situation. Les administrés pensent généralement qu'il y a trop de politique dans les affaires municipales en ce qui concerne les infrastructures souterraines, car la logique du politicien doit être palpable et valorisante, et ce, à court terme. L'aspect technique relève des ingénieurs qui doivent faire preuve d'imagination pour améliorer les techniques actuellement disponibles, afin d'augmenter l'efficacité des méthodes. Il s'agit donc d'évaluer dans quelle mesure les objectifs ont été atteints.

Réseaux d'égouts
Les réseaux d'égouts se retrouvent dans 918 municipalités (66% des municipalités québécoises, une situation comparable à celle de l'eau potable) et desservent 84% de la population de la province. Le Québec dispose d'une infrastructure d'épuration des eaux relativement jeune puisque la majeure partie du parc d'équipements a moins de 15 ans. Ce sont les investissements réalisés dans le cadre du PAEQ depuis 1980 qui ont permis la construction de la quasi-totalité des stations d'épuration actuellement en service ou en réalisation. Avec PADEM, ce sera finalement 98% de la population desservie par un réseau d'égout dont les eaux seront épurées. Toutefois, la majorité des projets subventionnés par l'État visent essentiellement le traitement des eaux et ce, bien que l'interception des eaux usées a été grandement améliorée. Le système de collecte des eaux usées satisfait un besoin d'hygiène publique et le système de collecte des eaux de ruissellement augmente principalement le confort ainsi que la protection contre les dommages causés par les inondations. Les objectifs de chacun des réseaux d'égout font que les interventions en vue de la réhabilitation varient de l'un à l'autre. En conséquence, il faut comprendre les problèmes propres à chacune des infrastructures et les solutions possibles avant d'adopter une quelconque méthode de rénovation1.

Dans l'ensemble, tout comme dans le cas de l'eau potable, les municipalités qui procèdent à une auscultation systématique de la totalité de leur réseau sont très rares. La grande majorité des municipalités ne sont pas en mesure de qualifier la fréquence des refoulements, et le manque de données est aussi très important pour quantifier les problèmes d'infiltration.

Dans cette optique, il existe une procédure générale pour aborder le problème de la réhabilitation dont nous allons discuter dans la section suivante.

Implication des intervenants
Les acteurs qui prennent des décisions quant à la réhabilitation des infrastructures d'aqueduc et d'égouts doivent se mettre d'accord pour définir la situation actuelle et future du réseau de conduites qu'ils opèrent. Tous ces décideurs doivent en premier lieu effectuer un inventaire du système actuel avant de mettre en place toute forme de pratique de gestion touchant ces infrastructures urbaines.

Il existe plusieurs types d'informations disponibles en rapport avec la caractérisation du système urbain. En général, on classifie les informations par catégorie selon leur degré de permanence.

Permanence élevée :

  • Informations structurelles (localisation, géométrie, topologie...)
  • Informations de comportement (décrivant les contraintes auxquelles est soumis un élément)

Permanence réduite :

  • Informations thématiques (décrivant une famille d'intrant du tissu urbain)
  • Informations de projets (informations administratives et agrégées)

L'ensemble de ces données donne aux acteurs impliqués dans le processus décisionnel des fonctions d'étude par le biais d'activités de planification, de plans et devis et des fonctions de mise en uvre notamment par la gestion de projets municipaux.

L'inventaire permet d'organiser les données pour favoriser une meilleure connaissance du système, ce qui amènera une exploitation rationnelle des infrastructures et permettra bien sûr de prévoir les besoins en réparation et renouvellement. Toutefois, il est essentiel de développer des procédures de mise à jour (s'assurer qu'elles soient suivies) et de s'assurer de la fiabilité et de la clarté des données (création d'un dictionnaire technique).

La gestion des données à références spatiales est informatisée depuis environ vingt ans. Les outils de gestion sont de deux types, soit ceux basés sur des concepts de cartographie et ceux fondés sur des bases de données relationnelles qui permettent de créer un système d'information évolutif (raster ou vectoriel).

Limite des choix technologiques
Outre l'aspect gestion de la réhabilitation des infrastructures urbaines, il faut également analyser l'évolution des choix technologiques disponibles de ces dernières années. Les objectifs de chacun des réseaux d'aqueduc et d'égouts font que les interventions en vue de la réhabilitation varient de l'un à l'autre. Nous allons distinguer les technologies propres à chacun.

Réhabilitation in-situ, section complète
Basé sur les techniques disponibles au Québec, nous comptons huit procédés pour l'aqueduc et dix-sept pour l'égout.

Pour l'aqueduc, les procédés de chemisage sont ceux qui affichent le meilleur carnet de route et qui ont beaucoup de succès en ce qui concerne l'aspect "structural ". Il est à noter, cependant, que des procédés nouvellement mis sur le marché, sont conçus au Québec et offrent des perspectives de développements intéressantes.

En ce qui a trait aux réhabilitations d'ordre "hydraulique" pour les conduites d'aqueduc, les techniques de projection d'époxy et de mortier sont utilisées. Outre la qualité du produit fini, elles offrent un rapport coûts/bénéfices des plus attrayants. Ce rapport est lié tout particulièrement à la simplification de l'intervention critique à considérer dans le cas de la réhabilitation d'aqueduc : la réouverture des branchements latéraux.

Des procédés semblables peuvent également être appliqués pour les conduites d'égouts, mais l'avantage conféré au chapitre des coûts est beaucoup moins évident que dans le cas de l'aqueduc, en le comparant à la technologie de tubage par exemple. Dans ce dernier cas, la réouverture de branchements latéraux d'un plus grand diamètre est alors plus facile à réaliser et peut même s'effectuer de l'intérieur, à l'aide d'équipements robotisés.

Remplacement de conduites
Les techniques d'éclatement utilisées pour remplacer des conduites existantes sont recommandables spécialement lorsque l'infrastructure de la chaussée n'est pas à remplacer et que les branchements latéraux sont peu nombreux. Plusieurs entreprises au Québec peuvent réaliser ces travaux à des prix avantageux comparativement au remplacement conventionnel. Une attention particulière doit cependant être apportée à la localisation des infrastructures adjacentes afin d'éviter les dommages collatéraux en cours de travaux.

Réhabilitation ponctuelle in-situ
Il est parfois plus économique de réhabiliter une petite section endommagée de la conduite, dans le cas où l'état de l'ensemble est généralement bon. Au Québec, il existe plusieurs procédés pour réhabiliter ponctuellement les conduites, soit cinq procédés pour les conduites d'aqueduc et onze pour l'égout.

Les procédés les plus utilisés à travers le monde pour les conduites non-visitables sont le colmatage par injection, les manchons et les réparations par robotique. Ces dernières années, les installations de gaines ont néanmoins fait une percée remarquable sur le marché, poussées par le succès de celles-ci dans le secteur de la réhabilitation complète.

Les entrepreneurs québécois ne sont pas en reste et comptent à leur actif le développement et la réalisation pratique de plusieurs procédés se prêtant à la réhabilitation ponctuelle et offerts à des prix compétitifs.

Pour les conduites visitables d'égout, d'autres procédés tels que les plaques de recouvrement et les projections de mortier, d'époxy ou autres produits sur les parois endommagées peuvent aussi être considérés en fonction des conditions particulières de chaque intervention.

Perception des municipalités par rapport à la réhabilitation
Nous voulons tout d'abord souligner aux municipalités l'importance de se doter d'un programme de réhabilitation, incluant la phase d'auscultation. La période d'application d'un tel programme doit également être à l'échelle des investissements en réhabilitation, que l'étude en cours permettra d'établir. Seule une approche planifiée et structurée en la matière peut rapporter les dividendes escomptés en regard des sommes qui y seront consenties.

Plusieurs villes d'Europe, d'Asie, des États-Unis et même du Canada ont commencé à réhabiliter leurs infrastructures souterraines. Celles-ci possèdent et appliquent un programme d'inspection et de réhabilitation depuis plusieurs années. Quelle que soit la démarche utilisée pour choisir un procédé de réhabilitation, il demeure primordial de bien connaître :

  1. les causes de la dégradation ;
  2. les conditions du sol encaissant ;
  3. l'emplacement des infrastructures adjacentes ;
  4. les conditions applicables de chaque procédé ;
  5. les fonctionnalités désirées des infrastructures ;
  6. les impacts socio-économiques des options considérées.

Puisque nous avons la chance d'être informés au sujet des expériences vécues à l'extérieur du Québec, il est important d'opter pour une vision politique moins sectaire sur cet important acquis que constituent les infrastructures souterraines. Les conditions économiques actuelles favorisent peu l'ouverture d'esprit, car tous les groupes de pression espèrent obtenir les faveurs financières des paliers de gouvernement supérieurs. Les infrastructures souterraines n'échappent pas au principe de subsidiarité, c'est pour cela qu'il est essentiel de mettre en place les fondations pour faire face au défi de taille qui attend les municipalités.

Les expériences américaine et européenne montrent néanmoins une tendance très nette de l'industrie de la réhabilitation à rencontrer, en moyenne, un prix de réhabilitation d'environ 50% à 60% du coût de remplacement. Ceci est rendu possible en grande partie par le fait que les contrats octroyés sont réguliers et importants, conséquence directe de la présence et de l'application d'un programme de réhabilitation au sein des services de travaux publics, des services du génie et des directions générales.

Nous ne pourrions terminer cette section sans mentionner que les réseaux souterrains ne sont pas seulement composés de conduites et de branchements latéraux. D'autres éléments y occupent des fonctions essentielles. Dans une approche globale, il serait particulièrement important de consacrer des énergies à analyser l'état des regards, source majeure d'infiltration. De nombreuses techniques permettent la réhabilitation des regards et les informations nécessaires pour produire un document les décrivant sont disponibles.

 

 

1 Pierre J. Hamel, Villeneuve Jean-Pierre, "Synthèse des rapports INRS-urbanisation et INRS-eau sur les besoins des municipalités québécoises en réfection et construction d'infrastructures d'eaux", Rapport de recherche No R-517b, Février 1998, p. 9-15.


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