Des graisses animales alimentent des autobus !
Par Marcel Tremblay
Depuis le mois de juillet, des graisses animales alimentent un autobus ! À Sainte-Catherine, au sud de Montréal, une usine pilote de Rothsay/Laurenco, une filiale de Maple Leaf, produit un carburant unique en Amérique du Nord, un biodiesel à base de déchets recyclables. Dans le cadre du projet BIOBUS, 650 000 litres serviront à alimenter 155 autobus de la Société de Transport de Montréal (STM) pendant un an. Les graisses animales et les huiles végétales qui entrent dans la fabrication de ce biodiesel proviennent du recyclage de rebuts de l'industrie agroalimentaire. Ces résidus d'abattoirs, d'huiles de fritures recyclées, d'huiles vierges non comestibles ou de surplus agricoles seraient mis au rebut ou rejetés dans l'environnement. Rothsay/Laurenco récupère ces déchets auprès de 9000 clients du Québec et de l'Ouest canadien à l'aide de ses 42 véhicules fonctionnant avec un mélange à 20% de biodiesel (B20) et de pétrodiesel. Établie depuis 1964, la compagnie s'intéresse activement au biodiesel depuis plus de deux ans. Elle a développé sa propre expertise technologique pour arriver à produire un produit d'avenir, compétitif et exportable dans le monde. L'approvisionnement en biodiesel a débuté le 25 mars dernier avec de l'huile végétale brute à base de soya et s'est terminé à la mi-juillet. Lors de cette étape, 104 000 l ont été utilisés. De juillet jusqu'à la première semaine de novembre, on utilisera 260 000 l d'huiles animales recyclables. De novembre jusqu'à la fin du projet, en mars 2003, 286 000 l d'huiles de fritures seront utilisées, soit 44% de l'ensemble de la production. Déjà alimentés au diesel, les autobus de la STM n'ont à subir aucune modification technique ou mécanique. Le biodiesel se mélange au diesel à raison de 2 à 20%, suivant les températures saisonnières. Par temps froid, ce qui constitue la dernière étape du projet, le mélange fera l'objet d'une attention particulière. Il n'a jamais été testé en climat hivernal. Desservant le centre-ville de Montréal avec ses artères commerciales et ses nombreux centres d'affaires, les 155 autobus du centre de service Frontenac parcourent bon an mal an près de 6,7 millions km et consomment environ 4 millions l de pétrodiesel. Le B20 permettrait une réduction annuelle de 1600 t de dioxyde de carbone. Pour M. Camil Lagacé, instigateur et directeur du projet BIOBUS, "la viabilité environnementale passe par les gros parcs de véhicules tel celui de la STM. Elle possède plus de 1600 autobus fonctionnant au diesel. D'autres industries possèdent des parcs de camions tout aussi importants. L'enjeu est de taille et l'avenir prometteur !" Sur une période de vingt ans, la consommation de carburant a augmenté d'à peine 5,6% pour atteindre plus de 10 milliards l en 1998. Dans la même période, nous avons constaté une hausse de la consommation de diesel de 92,1%, due à la conversion du parc de camions. Une étude du gouvernement québécois sur la demande énergétique confirme que l'industrie et les transports sont les deux plus importantes catégories d'émissions de gaz à effet de serre, (GES). Au Québec, en 1996, chacun comptait pour près de 30 millions de tonnes (Mt) sur les 86 Mt émises au total. Pour la période de 1996 à 2011, ces secteurs augmenteraient leurs émissions de GES jusqu'à 9,3 Mt de plus. Ce scénario serait viable seulement si le gouvernement s'abstenait d'intervenir au niveau des politiques environnementales. De plus, l'étude estime qu'en 1997, 83% de l'oxyde d'azote, 36% du dioxyde de carbone, 71% du monoxyde de carbone et 45% des composés organiques volatiles, tous des gaz à effet de serre, provenaient du secteur des transports. L'effet de serre est dû au piégeage, par des gaz atmosphériques, d'une partie du rayonnement solaire réfléchi à la surface de la terre. Un réchauffement graduel de l'atmosphère et de la surface s'ensuivent. Les experts prévoient une hausse moyenne des températures entre 1,5 et 5,8°C d'ici 2050. Que peut-on faire pour soigner notre Terre? Seulement au Canada, plus de 17 millions de voitures et camions légers, quelque 11 600 autobus et environ 375 000 camions lourds roulent sur plus de 900 000 km de routes et carburent dans plus de 16 000 stations services. Comme le souligne le directeur-général de l'usine Laurenco, Claude Bourgeault, "il faut faire vite. L'industrie du biodiesel est nouvelle au Québec. Il est important que la première usine qui s'établit sur un territoire soit locale. Elle garantit une certaine capacité d'approvisionnement pour son exploitation. La deuxième usine s'en trouve limitée dans ses capacités La tendance est forte de l'Ontario ! Cette province réagit rapidement dans le domaine de l'Environnement." Rappelons qu'au mois de juin 2002, l'Ontario procédait à la détaxe du biodiesel. En abaissant les coûts de production, le produit devient plus compétitif par rapport aux autres biocarburants, tel le bioéthanol. Suite à l'enthousiasme généré par le projet de démonstration BIOBUS, Rothsay/Laurenco prévoit augmenter sa capacité de production de biodiesel à 30 millions l/année. Pour y parvenir, la société devra débuter la mise en place des infrastructures au début de l'année 2003 pour que l'usine soit opérationnelle un an plus tard. "La volonté environnementale du gouvernement québécois sera-t-elle au rendez-vous ?", demande M. Bourgeault. "Un environnement économique favorable doublerait nos espérances d'affaires." Le projet BIOBUS a vu le jour grâce à l'initiative de l'Association canadienne des carburants renouvelables (ACCR) et la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec (FPCCQ). Le Plan Vert du gouvernement fédéral de 1990 décrète que "les carburants utilisés pour le transport et produits à partir de diverses sources fertiles comme une biomasse renouvelable peuvent aider à réduire l'émission de gaz responsable de l'effet de serre." Le Canada produit 3,3% de l'oxyde de carbone mondial, selon les chiffres du Protocole de Kyoto chapeauté par l'Organisation des Nations Unies (ONU). Un rapport préparé pour le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, démontre qu'il serait possible d'économiser d'ici l'an 2020, entre 10,8 et 38,2 milliards $ en frais de santé en implantant des programmes de réduction des oxydes d'azote et des composés volatiles organiques - deux précurseurs du smog - ainsi que des particules en suspension. Le smog est produit lorsque l'ozone et les particules en suspension au niveau du sol se combinent avec d'autres substances polluantes de l'atmosphère, dont le dioxyde de carbone. En testant divers combustibles mélangés à du carburant diesel, on a constaté au Canada que les émissions de particules provenant des camions et autobus s'en trouvent fortement réduites. De récents tests effectués par le Bureau national du Biodiesel et l'Agence de Protection de l'Environnement aux États-Unis concluent que le biodiesel produit 50% moins des émissions formant le smog. Le pétrole est la première source mondiale d'énergie grâce à sa facilité d'extraction et de transport sous forme liquide, ainsi qu'à son aptitude à produire des carburants. Dans nos sociétés de consommation, la récupération des déchets et leurs recyclages sont devenus des enjeux majeurs pour la sauvegarde de l'environnement. Notre atmosphère est encombrée de mégatonnes de déchets polluants. Les gaz d'échappement des véhicules en sont la cause évidente. Les biocarburants tel le biodiesel nous donne la possibilité de renverser le processus de destruction. Plusieurs institutions, industries et simple individu ont compris la nécessité qu'il y a de s'attaquer à ce problème planétaire. Les gouvernements, par leur place dominante dans la société moderne, doivent continuer leur leadership dans la poursuite de cet objectif. Le projet BIOBUS s'inscrit dans cette logique verte.
Plusieurs partenaires se sont réunis pour mener efficacement le projet BIOBUS. Le gouvernement canadien est notamment représenté par Développement économique Canada (DEC) et le Fonds d'Action pour le changement climatique (FACC). Au Québec, les ministères de l'Environnement (MEQ), des Transports (MTQ), des Affaires municipales et de la Métropole (MAMM), de l'Industrie et du Commerce (MIC), des Ressources naturelles (MRN), ainsi que l'Agence de l'efficacité énergétique (AEÉ) du Québec. |
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