La propriété intellectuelle en milieu universitaire

par Nathalie Ross, M.Sc.


 

La rentrée scolaire, mais aussi l'arrivée de l'automne, invitent à la réflexion sur les orientations des activités intellectuelles et technologiques de l'année qui suit. Dans cette optique, un regard sera jeté sur la propriété intellectuelle, spécialement pour le cas des universitaires, à l'ère où fleurissent les échanges technico-économiques avec les industriels et ce, particulièrement dans le secteur des biotechnologies. La problématique entourant la recherche et le développement, la gestion de l'information et le transfert technologique, en est une qui retient l'attention de plusieurs intervenants des institutions d'enseignement, des gouvernements et des industriels. À juste titre, car depuis les deux dernières décennies, l'accélération des recherches dans le domaine des biotechnologies a mis en évidence les limites des outils de préservation de la propriété intellectuelle, à savoir, entre autres, le brevetage.

Propriété intellectuelle, brevets et inventions
Une des 16 institutions spécialisées des Nations Unies, l'OMPI (l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) a comme objectif essentiel de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde entier, grâce à la coopération entre les états (1). Le 20 février 1997, 161 États faisaient partis de la Convention de l'OMPI, dont le Canada. Le CIPO, l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, est responsable en grande partie de l'administration et du traitement des demandes de propriété intellectuelle au Canada. Du concept de propriété intellectuelle, découlent les droits et les protections inhérents aux fruits d'un travail intellectuel. Ces droits et protections se matérialisent par l'émissions de brevets, de marques de commerce, de droits d'auteur et de secrets industriels. Un brevet est un document, émis par le gouvernement fédéral, donnant au détenteur un droit légal d'exclusion de la compétition concernant l'utilisation de l'invention décrite dans le document (2). La durée de validité du brevet varie selon les pays et, après son expiration, le droit d'exclusion cesse. Tout comme les autres formes de propriétés, les droits reliés au brevet peuvent être cédés en héritage, vendus, loués, hypothéqués et imposés.

Pour être "brevetable", une invention doit être nouvelle, non évidente et susceptible d'application industrielle. "Nouvelle" signifie ne pas avoir fait l'objet de publications ou d'utilisations publiques, tandis que "non évidente" sous-entend que l'idée ne doit pas venir de façon évidente à tout spécialiste du domaine industriel auquel le brevet s'applique. L'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle estime que le nombre de brevets délivrés dans le monde en 1995 a été de l'ordre de 710 000 et que 3,7 millions brevets étaient en vigueur dans le monde à la fin de cette même année (1).

Les spécificités de la recherche universitaire
Traditionnellement, les universitaires transféraient les résultats de leurs recherches par le biais de l'enseignement, de publications d'articles ou de livres, et de conférences dans des colloques spécialisés. Quoique ces formes de transferts ont toujours lieu, la protection intellectuelle sous forme de brevets et de droits d'auteur, précédant ce transfert, est de plus en plus présente (3). Par exemple, en 1939, le professeur Selman Waksman, de l'Université Rutgers, a conclut une entente avec la compagnie Mercks pour l'étude de la production d'une substance antimicrobienne issue d'une bactérie vivant dans les sols. Cette entente a menée à la découverte d'un antibiotique appelé streptomycine, alors breveté et commercialisé par Mercks. Pendant la durée de vie du brevet, l'Université Rutgers a reçu environ 16millions$, équivalant aujourd'hui à 60millions$, en redevances directes et pour d'autres découvertes sur les antibiotiques.

Plusieurs universités ont mis sur pied des bureaux de transfert technologique pour l'évaluation des demandes de collaboration avec les industries, pour assister les chercheurs dans leurs demandes de brevets et de droits d'auteur, et pour négocier avec les différentes instances. Qu'en est-il du rendement? Il semble qu'outre les découvertes très lucratives, ne représentant que 1 brevet sur 10 000, les retombées économiques des redevances soient minces. Dans les faits, rares sont les bureaux de transfert technologique réalisant des profits ou même, s'auto-suffisant financièrement. D'autres problèmes, de nature éthique, sont également pressentis concernant l'existence des programmes de transfert technologique. M. Pramer, de l'organisme américain "Research Policy and Administration" rapporte deux difficultés potentielles: 1- un conflit pour les professeurs entre le devoir académique d'enseignement et de réalisation de la recherche fondamentale versus la participation au transfert technologique, et 2- un frein aux échanges d'idées scientifiques, un outil essentiel pour le développement de la science dans le milieu universitaire, suite à la collaboration et le support des industries dans le cadre universitaire (3). Une autre opinion, donnée par Keith Bostian, Président de Iconix Pharmaceuticals Inc., (Californie, E.U.) soutient que les résultats de la recherche dans le domaine biotechnologique doivent être protégés au delà d'une application spécifique afin de conserver l'avantage économique relié à la découverte(4). Également, le brevetage de certaines recherches, telles les découvertes sur le génome humain, sont susceptibles de nuire à l'essor industriel de façon générale.

En conclusion
Les avantages et inconvénients du transfert de la technologie des universités vers les industriels sont bien définis à ce jour. Le défi reste à conserver l'équilibre entre le transfert technologique et l'héritage intellectuel, un élément essentiel du développement durable.

Références

(1) OMPI, L'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle - Une organisation pou le futur . 1998, OMPI: Geneve.

(2) American Intellectual Property Law Association, What is a Patent, a Trademark, and a Copyright?,. 1995, American Intellectual Property Law Association,: Arlington.

(3) Pramer, D., University Intellectual Property and Technology Transfert, in ASM News. 1998. p. 446-449.

(4) Bostian, K., Patents and Technology Transfert: Harnessing Innovation in Biotechnology, in ASM News. 1998. p. 445.

 

 

Plusieurs sujets intéressants seront traités dans les prochaines chroniques. Entres autres, prenez des nouvelles de deux événements incontournables :

le Symposium international Paris-Québec sur la réhabilitation des cours d'eau en milieu urbain (28-30 septembre 1998, Québec) et Les journées des infrastructures urbaines INFRA 98 (24-26 novembre, Montréal).


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