Les villes ont-elles un rôle à jouer dans la prévention des éclosions d’algues bleues?


Nathalie Ross, Ph.D., RAC et Michel Prince, ing., MBA
Collaboration spéciale

 

 

Une ville peut-elle être éco-responsable pour la prévention de la prolifération des algues bleues dans les cours d’eau? Il est facile de pointer les sources de contamination connues, telles l’agriculture et l’élevage, comme apport important de phosphore. Or le phosphore est un précurseur important dans le développement des algues bleues (Encadré 1 et Figure 1). Cependant, l’apport des villes dans cette problématique peut s’avérer plus importante que l’on ne croit avec par exemple près de 58 000 débordements de réseaux d’égouts au Québec.

Ces débordements amènent des fuites de phosphore provenant des êtres humains et des détergents ménagers vers les milieux récepteurs, p. ex. les lacs et rivières. Dans le livre Algues bleues : des solutions pratiques, Michel Prince, auteur du chapitre sur la gestion des eaux sanitaires et pluviales, a exploré des solutions novatrices qui s’insèrent dans une démarche de développement durable pour les municipalités.

 

Des solutions qui interpellent les gestionnaires municipaux et les intervenants des différents paliers gouvernementaux
Les solutions peuvent se regrouper en deux catégories : les solutions qui réduisent l’apport de phosphore dans les cours d’eau, donc qui visent la qualité de l’eau, et les solutions qui réduisent la quantité d’eau transportée par les réseaux. Il est crucial de réduire le nombre de débordements d’égout sanitaire et unitaire dans les cours d’eau. Des 58 000 débordements répertoriés au Québec, 60% se produisent en temps de pluie. Or ces eaux de débordement sont composées d’eau sanitaire mélangées avec les eaux pluviales. Donc, l’intervention sur la quantité d’eau pluviale, nous aidera à gérer la grande majorité du phosphore provenant du réseau d’égout.

Une des problématiques spécifiques aux municipalités est l’augmentation de la surface imperméable du territoire, qui est une conséquence directe de l’urbanisation. Les eaux de pluie accumulent du phosphore en ruisselant sur les surfaces gazonnées (qui contiennent des fertilisants) et transportent des sédiments eux aussi chargés en phosphore. Le stockage, l’infiltration et la décantation de ces eaux pluviales au lieu de captation, c’est-à-dire un traitement à la source, sont des solutions que je préconise.

 

Des exemples pour favoriser le stockage, l’infiltration et la décantation des eaux pluviales
Pour un terrain commercial par exemple, l’implantation soit d’un bassin de rétention, d’un fossé végétalisé, d’une tranchée d’infiltration, d’une barrière à sédiments, d’une bande riveraine et/ou d’un dessableur-dégraisseur sont des technologies efficaces et adaptées aux conditions québécoises. Ces solutions peuvent être imposées aux promoteurs autant au niveau commercial que municipal par réglementation ou par des conditions particulières de développement. Également, les autorités municipales auraient avantage à intégrer ces mêmes principes dans le développement de leurs terrains municipaux afin de participer eux aussi à la saine gestion des eaux.

À Drummondville lors de la rénovation d’un centre commercial, conjointement avec la municipalité un consultant a préconisé la construction d’un bassin de rétention recueillant l’eau ruisselant de la bâtisse et du stationnement (Figure 2).

Dans cet exemple, la capacité hydraulique du réseau municipal existant a dicté le diamètre maximal du tuyau sortie du site commercial; le promoteur était désireux de ne pas surcharger le réseau. À cause de la surface disponible limitée pour la construction du bassin, il a été construit en profondeur, nécessitant l’installation d’une clôture autour du bassin.

À Sherbrooke, la construction d’un bassin de rétention a été améliorée par la plantation de végétaux à l’intérieur du bassin (Figure 3). Cette initiative municipale a augmenté l’esthétisme du bassin tout en dissimulant les rebus pouvant s’y déposer. Dans ce projet, toute l’eau de la rue Minto est acheminée vers un système permettant l’enlèvement des sédiments de même que des huiles et des graisses transportés par l’eau de pluie (dessableur-dégraisseur). En cas de forte pluie, cette eau est stockée dans le bassin de rétention végétalisé avant d’être envoyée au Lac des Nations.

Les villes de Laval et de Saint-Laurent sont des précurseurs dans la gestion des eaux pluviales depuis près de 20 ans. Elles imposent des critères importants de rétention pluviale sur tous leurs territoires. L’emphase est mise sur la gestion de la quantité d’eau produite par chacun des terrains et la mise en place de cette réglementation n’a pas empêché les promoteurs de développer leurs projets. Cette réglementation a pour effet de soulager le réseau existant, de réduire les débordements et d’assainir les cours d’eau, d’où une réduction de l’apport de phosphore dans les cours d’eau, pouvant favoriser la prolifération d’algues bleues (Figure 4).

En conclusion, les gestionnaires peuvent imposer une saine gestion des eaux pluviales en imposant une réglementation mais également en mettant de l’avant des solutions facilement implantables telle l’addition d’arbres bordant les routes et les chemins. Cette dernière solution, appelée foresterie urbaine, réduit la quantité d’eau de pluie renvoyée au réseau pluvial tout en ayant un impact sur l’aspect psychologique en influençant le mieux-être des gens. Les intervenants municipaux ont tout avantage à réduire les charges en phosphore dans les réseaux diminuant ainsi la problématique d’éclosion d’algues bleues dans les cours d’eau.

 

Références

  • Lapalme R, De Sève M, Rousseau M, Lefebvre Daniel, Prince M, Nault J, Legaré F, Girard JF. 2008. Algues bleues : des solutions pratiques, Bertrand Dumont éditeur, 255 p.


© InfraStructures - Tous droits réservés - All rights reserved