La pollution de l'environnement par les sels de voirie



Par Nathalie Ross, Ph.D.
Collaboration spéciale

 

D'une réflexion entamée à la fin des années '70 sur l'épandage des sels de voirie découle une conclusion: ces produits chimiques s'accumulent dans l'environnement notamment dans les eaux souterraines et les eaux de surface. Cette accumulation amène un effet toxique sur les organismes présents dans les écosystèmes.

Afin de mesurer la toxicité engendrée par les sels de voirie, un "indice de contamination par le chlorure" a été récemment développé par une équipe de recherche du Toronto Métropolitain; une région fortement concernée par le problème(1). Le développement d'outils de mesure de toxicité s'avère essentiel pour cerner la problématique et les solutions de rechange à l'utilisation massive de sels de voirie ne sont pas légion.

 

Où va le sel? Le cas de la grande région de Toronto
À chaque année, les routes et autoroutes du Toronto Métropolitain reçoivent plus de 100 000 tonnes de sels de voirie, principalement sous forme de chlorure de sodium (NaCl) (Figure 1). Cette quantité représente une application d'environ 200 g/m2 dont 55% est accumulé dans les eaux souterraines peu profondes(2). Des concentrations en ions chlorure (Cl-) allant jusqu'à 14 000 mg/l ont été mesurées dans les eaux souterraines circulant sous le grand Toronto. Dans la perspective où cette accumulation se poursuit au même rythme dans cette région, Howard et Haynes(2) prévoient que la concentration en chlorures pourrait atteindre une moyenne de 430 mg/l d'ici 2010; presque le double de l'objectif en terme de qualité de l'eau potable (250 mg/l).

 

Quelques impacts et dangers du sel
Quoique l'ion chlorure soit nécessaire au métabolisme des organismes vivants, une trop forte concentration inhibe certaines réactions, voire cause la mort. Par exemple, dans le cas de différents types d'algues, une concentration de 0.3 mg/l a stimulé leur croissance alors qu'une concentration plus élevée a inhibé leur métabolisme de photosynthèse(3). De cette inhibition peut découler une menace pour la survie des populations de poissons habitant le même écosystème puisque la photosynthèse des algues assurent une réoxygénation de l'eau.

Chez l'humain, la présence de sodium (Na+) en forte concentration peut entraîner des problèmes de santé, tel l'hypertension; une maladie affectant 20% de la population américaine(2). Entre autres impacts sur l'environnement urbain, le sel favorise la corrosion des véhicules automobiles et la désintégration des structures de ciment.

 

Utilisation d'organismes présents dans les sources pour mesurer les impacts sur l'environnement
En région urbaine, où plusieurs contaminants peuvent être présents simultanément, il est difficile d'isoler les impacts d'un type de molécule chimique sur l'environnement. Les macroinvertébrés vivant dans les eaux de source, telle la nématode, ont été proposés comme "indicateurs biologiques".

Dans une étude sur la communauté d'invertébrés de 20 sources du sud-est ontarien, William et al.(4) ont montré que les réponses des macroinvertébrés avaient une correspondance avec la composition chimique de l'eau. En effet, ces organismes ont été significativement sensibles à trois types de composition chimique des eaux de source:

  1. les sources avec une haute concentration en chlorures et en ammonium (reflétant des activités urbaines et un site d'enfouissement à proximité),
  2. les sources avec faible concentration en chlorures et en ammonium mais montrant une haute concentration en nitrate (provenant probablement de fertilisants agricoles) et
  3. les sources montrant une concentration intermédiaire en chlorures et en ammonium.

Cette recherche a mené au développement d'un indice de contamination par le chlorure ("Chloride Contamination Index") basé sur le nombre d'organismes présents dans la source à l'étude ainsi que leur degré de tolérance par rapport au contaminant1. Avec cet indice, il est possible de relier une concentration de Cl- à un impact environnemental (Encadré 1).

 

Les solutions?
Peu de solutions de rechange sont discutées dans la littérature. À tout le moins, il ne fait plus de doute que les sels de voiries s'accumulent et ont un impact sur l'environnement entourant les zones urbaines. Cette problématique est une préoccupation pour Environnement Canada(5). En effet, les sels de voiries font partie d'une liste de substances d'intérêt prioritaire pour l'évaluation des voies d'entrée, d'exposition et effets sur l'environnement; une évaluation qui doit se terminer en l'an 2000.

 

Références

  1. Williams DD, Williams NE, and Cao Y (2000) Road salt contamination of groundwater in a major metropolitain area and development of a biological index to monitor its impact. Water Research 34:127-138
  2. Howard KWF and Haynes J (1992) Urban geology 3. Groundwater contamination due to road de-icing chemicals - salt balance implications. Geoscience Canada 20:1-8
  3. Dickman MD and Gochnauer MB (1978) Impact of sodium chloride on the microbiota of small stream. Environmental Pollution 17:109-126
  4. Williams DD, Williams NE, and Cao Y (1997) Spatial differences in macroinvertebrate community structure in springs in southeastern ontario in relation to their chemical and physical environments. Canadian Journal of Zoology 75:1404-1414
  5. http://www.ec.gc.ca/cceb1/fre/rd_salt_ summary.htm


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