Différents modes de financement des infrastructures urbaines



Par Jean-Christophe Labruguière
Collaboration spéciale

 

Un certain nombre de mécanismes sont disponibles pour financer la réhabilitation des infrastructures d'aqueduc et d'égouts. En plus d'augmenter les frais imposés à l'usager et le financement fourni par le gouvernement fédéral, ou provincial, il faudrait comme le font les États-Unis et l'Europe, avoir recours à d'autres moyens de financement. Bien que toutes ces méthodes puissent ne pas s'appliquer au Canada, il est utile d'en mentionner ici quelques-unes :

Plans de location à bail : des investisseurs privés assurent la construction des installations et les louent au gouvernement dans le cadre d'accords de location avec option d'achat ou de contrats de cession-bail.

Marché des fonds de pension : le plus souvent, ces fonds ont été investis dans des actions de sociétés ou dans des obligations. Les syndicats et le gouvernement insistent maintenant pour que ces fonds soient investis dans des projets offrant des avantages sociaux.

Entreprise mixte : comprend la privatisation (totale ou partielle) des installations et l'affermage des services publics.

Banques d'obligations : les petites collectivités fondent leurs dettes en une seule, commercialisée par la banque d'obligations.

Banques de développement de l'infrastructure : établies pour offrir des prêts à un taux d'intérêt intéressant, capitalisés par l'émission d'obligations, les crédits budgétaires gouvernementaux, les recettes et les investissements privés.

Obligation d'infrastructure : les résidents peuvent investir dans leur collectivité en achetant des obligations vendues sur le marché public.

Entreprises municipales : sociétés municipales à but lucratif dont les profits servent à réduire les coûts de l'infrastructure.

Aux États-Unis, l'état des infrastructures urbaines est encore plus critique qu'au Canada. La croissance démographique des ces dernières décennies a engendré une utilisation des installations urbaines qui vont bien au-delà de leur capacité. Par contre, les Américains se sont intéressés plus rapidement que les Canadiens à ce problème.

Les Européens n'ont pas eu à faire face récemment aux même contraintes qu'en Amérique de Nord quant à la problématique des infrastructures urbaines. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, une partie des infrastructures urbaines a été détruite et a donc dû être reconstruite. Les réseaux d'infrastructures y sont donc plus récents. De plus, la croissance des villes s'est faite à un rythme beaucoup plus lent qu'en Amérique du Nord. Ces deux facteurs ont contribué à maintenir les infrastructures urbaines en meilleur état.

Les problèmes de financement sont la principale cause de la détérioration des réseaux de distribution d'eau potable et d'égouts. Le déficit très lourd du gouvernement fédéral l'incite à réduire progressivement ses transferts aux provinces. De fait, les provinces réduisent également les transferts vers les municipalités. Ces dernières ont dû composer avec des budgets amputés tout en faisant face à un accroissement de leurs responsabilités. Elles peuvent difficilement augmenter leurs impôts fonciers sans soulever l'opposition des contribuables déjà lourdement taxés par les échelons supérieurs de gouvernement. Au plan fiscal, le défi est de taille puisque contrairement à l'installation de nouvelles conduites, les dépenses pour les conduites existantes ne génèrent pas de nouveaux revenus de taxation pour les municipalités. Dans ce contexte, consacrer aux conduites souterraines un peu plus d'argent qu'à l'habitude représente un effort considérable et difficile.

Les municipalités se retrouvent ainsi avec l'administration de la quasi-totalité des réseaux de distribution d'eau potable et d'égouts. Les principales sources de revenu des municipalités sont les impôts fonciers et certaines taxes spécifiques comme la taxe d'eau.

L'état des infrastructures est tel que plusieurs grands travaux de réfection ou de reconstruction ne peuvent plus être retardés. Ces travaux requièrent des fonds importants. Leur financement par le budget de fonctionnement des municipalités n'est plus possible. Celles-ci doivent donc avoir recours à d'autres moyens de financement. L'emprunt, qui demeure le moyen de financement le plus utilisé, apparaît cependant plus difficile et risqué compte tenu de l'endettement à long terme des municipalités. En 1993, le financement de la dette à long terme des municipalités québécoises représentait 21 % des budgets municipaux locaux (24% des budgets globaux). La prudence est donc de mise dans un grand nombre de municipalités québécoises. Une prudence d'autant plus légitime que la richesse foncière croît beaucoup plus lentement depuis le début des années 1990.

Les municipalités doivent donc faire des choix parfois difficiles quant aux projets à mettre de l'avant. Elles doivent donner la priorité aux travaux qui ne peuvent plus attendre et remettre les autres à plus tard. Face à cette situation, les municipalités se sont tournées malgré elles vers une gestion beaucoup plus à court terme. Les grands projets de remplacement et de réfection des infrastructures urbaines ont souvent été reportés à plus tard pour pouvoir répondre aux besoins présents, plus urgents. Une telle gestion à court terme ne facilite cependant pas la prévention de la détérioration des infrastructures.

La mise sur pied de programmes favorisant l'accélération de tels travaux est devenue impérative. C'est ainsi que le programme TICQ (Travaux d'Infrastructures Canada Québec) a été élaboré entre les gouvernements fédéral et provincial en consultation avec les municipalités.

Cependant, les municipalités ne pourront s'en remettre entièrement à de tels programmes pour réhabiliter leurs infrastructures. Elles devront innover autant dans les techniques de remise en état des infrastructures que dans les moyens de financement et les modes de gestion des infrastructures. La tarification des services municipaux devient ainsi un mode de financement que pourraient privilégier les municipalités. C'est le principe de l'utilisateur-payeur : les contribuables paient pour l'utilisation qu'ils font des services municipaux. Ils sont donc conscients des coûts d'utilisation de la ressource qu'ils exploitent et il peut en résulter des économies financières pour la municipalité. Cette forme de financement prévient l'usure prématurée et réduit la surutilisation et le gaspillage des ressources. Cependant, le principe de la tarification, généralement appliqué au Québec, ne reflète pas les véritables coûts d'utilisation du service. Une telle tarification ne prévient donc pas les abus menant à la surutilisation des ressources et à leur gaspillage.

La tarification des services selon leur véritable coût soulève des craintes dans le milieu municipal. Actuellement, lorsque la tarification est utilisée, elle ne représente qu'une partie des coûts réels, l'autre partie étant généralement incluse dans la taxe générale. De cette façon, le citoyen ne connaît pas le coût réel des services qu'il consomme.

La tarification est souvent liée à la participation du secteur privé au financement des infrastructures. La participation du secteur privé au financement est une nouvelle voie offerte aux municipalités pour permettre d'assurer des infrastructures adéquates tout en n'affectant pas le taux d'endettement de la municipalité. Le secteur privé assure alors une partie de risque qui autrement serait prise en charge entièrement par la municipalité.


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