Stratégie de contrôle du plomb dans l’eau du robinet au Canada :
des experts se questionnent


 

Nathalie Ross, Ph.D., RAC
Collaboration spéciale


Le plomb mesuré dans le sang de la population en général a diminué de façon significative depuis les 20 dernières années grâce à la réduction du plomb dans les peintures, la poussière, le sol, les produits alimentaires en conserves et l’essence. Cependant, la présence de plomb dans l’eau potable au robinet dans certaines villes canadiennes et les récentes évidences suggérant que les directives sur la concentration de plomb dans le sang (10 µg/dl) ne seraient pas sécuritaires, en particulier chez les enfants, a sonné l’alarme pour une investigation sur le plomb dans l’eau potable au robinet, les actions correctives potentielles et leurs coûts.

Ces préoccupations ont été discutés les 8 et 9 juin 2011 lors du Symposium sur le plomb dans l’eau potable tenu à l’École Polytechnique de Montréal, où des experts nationaux et internationaux ont présenté leurs travaux pour le développement d’une stratégie de contrôle du plomb dans l’eau du robinet au Canada.

Le remplacement partiel des conduites de plomb peut causer davantage de tort que conserver les conduites 100% en plomb
Puisque l’eau à la sortie des usines de traitement ne contient pas de plomb, est-il possible de cibler les aspects de l’infrastructure qui contribuent à retrouver du plomb à la sortie du robinet? C’était la question principale de l’équipe du Dr. Michèle Prévost, titulaire de la Chaire industrielle CRSNG en traitement et distribution des eaux potables à l’École Polytechnique de Montréal.

La corrosion galvanique des joints de plomb et de cuivre (Figure 1) qui se produit suite au remplacement partiel des conduites de plomb à l’intersection public/privé (Figure 2) est reconnue comme étant une source potentielle de relargage de plomb dans l’eau potable (Triantafyllidou et Edwards, sous presse). Des recherches additionnelles sont nécessaires afin de déterminer l’impact à long terme de la corrosion galvanique en conditions d’écoulement semblables à celles des conduites maisons. «À des écoulements modérés à élevés, c’est-à-dire de 8 à 32 l/min, testés dans nos laboratoires, le remplacement partiel des conduites de plomb avec des conduites en cuivre a mené à une concentration en plomb 3 fois plus élevée qu’une conduite 100% plomb», a rapporté Clément Cartier, étudiant au doctorat. «Nos résultats ont montré qu’il est beaucoup plus dommageable de placer une conduite de cuivre avant une conduite de plomb que l’inverse, probablement dû à la déposition de corrosion.» L’accumulation de rouille sur une ancienne conduite de plomb suite à l’addition d’une conduite de cuivre placée en amont devient un réservoir potentiel de plomb mobile (relargage), et les conséquences à long terme de ce réservoir sur la santé restent à démontrer.

Des défis de contrôle et de mesure du plomb au niveau municipal
Les inquiétudes au niveau municipal proviennent en majeure partie d’une étude bien documentée sur la Ville de Hamilton, en Ontario, qui montrait des concentrations de plomb dans l’eau potable au robinet de 5,3 µg/l. À la Ville de Montréal, on a recensé environ 75 000 maisons avec des conduites d’eau potable en plomb, surtout des maisons de type après-guerre.

La concentration en plomb dans l’eau potable au robinet de ces maisons avec conduites en plomb s’est avérée plus élevée que celles les maisons sans conduites en plomb. Dans une proportion de 50%, la concentration au robinet dépassait la directive de 10 µg/l (cependant, aucune ne dépassait l’ancienne directive de 50 µg/l). Cet échantillonnage à la Ville de Montréal a également montré que 10% des enfants étaient exposés à plus de 9 mg/l de plomb dans l’eau potable au robinet et que l’eau des conduites de la salle de bain avait une concentration en plomb plus élevée que l’eau des conduites de la cuisine. Pour ces résidents vivant dans une maison de l’après-guerre avec conduites en plomb, les autorités de la santé recommande de laisser l’eau couler quelques minutes jusqu’à ce que l’eau devienne froide, en particulier si l’eau est demeurée stagnante pendant plusieurs heures, ou de filtrer l’eau au moyen d’un appareil branché au robinet ou d’un pichet filtrant.

Avec des coûts de remplacement des conduites en plomb estimés à $300 millions dans certaines municipalités canadiennes, en plus de données montrant que le changement partiel des conduites de plomb (c’est-à-dire du changement jusqu’au raccord privé/publique, voir Figure 2) amène un relargage potentiel du plomb suite à la corrosion galvanique (Figure 1), les données de recherches telle cette Stratégie canadienne du contrôle du plomb au robinet financées par le Réseau canadien de l’eau donneront aux décideurs des outils d’aide à la décision pour la gestion du plomb dans l’eau potable au robinet.

Pourquoi étudier la présence de plomb dans l’eau potable au Canada?

  • Le plomb est une neurotoxine et un carcinogène probable
  • Les directives de concentrations sanguines pour le plomb sont de 10 µg/dL
  • Les directives depuis 2010 pour le plomb dans l’eau potable est de 10 µg/L
  • Les enfants de moins de 6 ans et les femmes enceintes sont les plus vulnérables :
    - perte de QI chez les jeunes enfants, difficultés d’apprentissage, dysfonctionnement cognitif
    - une exposition en bas âge peut mener à des troubles du comportement
  • Les femmes post-ménopausées et les hommes peuvent également expérimenter des effets néfastes sur leur santé.

Références

  • Réseau Canadien de l’eau, Élaboration d’une stratégie de contrôle du plomb dans l’eau du robinet au Canada
  • La Chaire industrielle CRSNG en traitement et distribution des eaux potables – École Polytechnique de Montréal
  • Triantafyllidou S, Edwards M. (sous presse). Lead (Pb) in Tap Water and in Blood: Implications for Lead Exposure in the United States, Critical Reviews in Environmental Science and Technology
  • Blood Lead Study BOH08012 (City Wide) – City of Hamilton


© InfraStructures - Tous droits réservés - All rights reserved