Les différents produits de déglaçage des pistes d’aéroports
et leurs impacts

Clémence Cireau, journaliste scientifique
Collaboration spéciale


 


Il existe une gamme assez large de produits pouvant être utilisés pour prévenir et enlever la neige et la glace sur les pistes d’aéroports. Cela va du sable, à l’urée, en passant par l’acétate de potassium ou le propylène de glycol. Tous ne sont pas utilisés au Canada. Comment le choix se fait-il? Et quels sont les avantages et les inconvénients de chacun?

Le choix dépend souvent de plusieurs facteurs, dont le coût, l’efficacité, la facilité d’utilisation et les impacts que cela peut avoir sur l’environnement et sur les équipements des aéroports. À cela s’ajoutent les risques de corrosion et la conductivité électrique.

En effet, les produits de déglaçage sont étalés directement sur le sol. Souvent, par infiltration du sol ou par écoulement, ils se retrouvent en dehors des pistes, dans les champs avoisinants, et même dans les nappes souterraines.

L’urée était traditionnellement utilisée en Amérique du Nord, car elle coûte seulement 800 $/t. Mais dans les années 90, il a été mis en évidence qu’elle cause des problèmes de toxicité, car elle se décompose dans l’eau. La réaction chimique crée de l’ammoniaque qui est très nocive pour la faune et la flore des rivières et des lacs avoisinant les aéroports. De plus, elle ne peut être utilisée que jusqu’à –8°C. Elle reste cependant utilisée comme déglaçant par plusieurs aéroports au Canada où il n’y a pas de risque de contaminations des eaux souterraines.

Désormais ce serait le formiate de sodium qui serait le plus couramment utilisé. Il est sous forme de petits triangles qui adhèrent mieux au sol. Cependant le formiate de sodium coûte 1600 $/t. Il est le plus souvent utilisé de façon curative, lors d’un événement de tempête par exemple. Pour l’instant les impacts néfastes sur l’environnement n’ont pas été prouvés.

L’acétate de potassium lui se trouve sous format liquide. Ce qui est un avantage, car il peut ainsi être un peu plus chaud et agir plus rapidement. Il peut être utilisé jusqu’à –14°C environ. Il est principalement utilisé de façon préventive par les aéroports au Canada.

Quant au propylène de glycol, il consomme beaucoup d’oxygène quand il se retrouve dans l’eau, ce qui peut asphyxier les poissons et les algues. De plus, il est très cher et est donc utilisé uniquement pour déglacer les avions et non les pistes. Autre inconvénient, c’est qu’il n’est pas efficace sur les pistes à de trop basses températures. Il reste cependant utilisé pour les pistes en Europe, où la température descend moins bas. La pollution indirecte peut aussi venir de la dégradation des pistes et des infrastructures qu’il faut renouveler fréquemment, à cause de l’utilisation des différents produits.

Le chlorure de sodium, est souvent utilisé sur les routes, car peu cher. Cependant, il ne peut pas être utilisé sur les pistes pour ne pas endommager les avions. On utilise plutôt un petit gravier approuvé pour l’aviation mais son utilisation est limitée au tablier où les avions stationnent et sur les pistes dans des conditions climatiques marginales. Cependant il a l’avantage d’avoir une bonne force abrasive et de créer une bonne adhérence quand il pénètre la glace. Il est de plus possible de l’utiliser déjà chauffé dans des hangars.

Une logistique impressionnante
Tous ces produits sont étalés grâce à des épandeurs. À cela s’ajoute un dégivrage mécanique à l’aide de balais rotatifs. La main-d’œuvre coûtant finalement moins cher que les produits.

En dessous de –20°C, tous les produits ne sont plus réellement efficaces. Mais étant donné qu’à ces températures, il ne neige pratiquement pas, les aéroports sont rarement arrêtés à cause de ça. Une solution innovante qu’a soulignée François Morency, professeur à l’ÉTS de Montréal, est celle du chauffage direct des pistes qui pourrait ainsi diminuer les contaminations mais augmenter la consommation d’énergie. Cela demande cependant une énorme logistique et des coûts considérables. Ce n’est pas utilisé au Canada.

Une grande part de responsabilité humaine
Certains aéroports ont des détecteurs de glace électronique mais, dans la plupart des cas, ce sont les employés qui décident après une inspection s’ils doivent appliquer du produit ou non. Une des difficultés est de savoir quand appliquer le produit pour éviter qu’une grande partie parte au vent. Leur appréciation météorologique est primordiale.

Les moyens mis en place sont également différents d’un aéroport à l’autre. Les aéroports commerciaux sont obligés de déployer beaucoup de main-d’œuvre et d’appliquer des produits en prévention pour ne pas prendre le risque d’annuler ou de retarder des vols.

À l’aéroport de Montréal, 110 personnes réparties en quatre quarts de travail sont présentes 24 h sur 24, du 15 novembre au 15 avril. Une trentaine de personnes sont présentes toute l’année. La logistique est impressionnante, car les coûts engendrés par un arrêt de fonctionnement de l’aéroport sont faramineux. Donald Desrosiers, directeur entretien des installations à Aéroports de Montréal, explique que la longueur des pistes à déneiger à l’aéroport de Montréal est la même que celle de la distance Montréal-Québec!

Réglementation inexistante
Au Canada, les aéroports dépendent des réglementations fédérales. Et le gouvernement fédéral n’a pas statué sur l’utilisation de ces produits. Il n’existe pas non plus de règlements spécifiques aux États-Unis, ce qui aurait pu influencer, les deux industries étant très liées. François Morency explique aussi cela par le fait que «les températures et les hivers ne sont pas les mêmes partout. À Dallas pas pareil qu’à Boston, à Montréal ou à Winnipeg». Les décisions des aéroports quant à l’utilisation des produits dépendent donc uniquement de leur bonne volonté et de leur choix à suivre les directives de pollution des industries en fonction de la municipalité où ils sont localisés.


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