XIIe Congrès
international de la Viabilité hivernale, Turin - 27 au 30 mars 2006
Une comparaison entre la
Suède et le Québec
Jean-Jacques Roussel, Nordaxe
Innovations
collaboration spéciale
Nous continuons la série d'article
suite au XIIe Congrès international de la Viabilité hivernale.
Il nous semblé intéressant de commencer par une comparaison
entre le Québec et un pays semblable, histoire de voir comment le
même problème peut avoir des solutions différentes.
La plupart des informations de cet article sont issues du Snow &
Ice Databook Edition 2006 préparé par le comité 3.4
de l'AIPCR. Les autres ont été recueillis sur place au stand
"Nordic SnowHow" qui regroupaient institutions et compagnies de
Finlande, Islande, Norvège et Suède lors des conférences.
Beaucoup de points communs
Même si les chiffres (tableau ci-contre) montrent certains écarts,
la comparaison entre la Suède et le Québec nous paraît
intéressante.
À la lecture de ce tableau, on peut parler de réseau routier
et parc automobile comparables.
La Suède subit un hiver moins rigoureux mais néanmoins
assez difficile :
- en raison du Gulf Stream, de fréquentes remontées de
température autour de 0°C (ce qui devient aussi une tendance
de plus en plus fréquente au Québec) ;
- en raison de la latitude supérieure (la capitale Stockholm est
à la latitude de la Baie d'Ungava et l'extrême nord à
la latitude de l'île de Baffin), un ensoleillement plus faible qu'au
Québec.
L'entretien d'hiver
Les principes de déneigement et de déglaçage sont
les mêmes : grattage important, utilisation des fondants ou des abrasifs,
soufflage de la neige en cas d'accumulation. Le sel est le seul fondant
utilisé. Pur à 98% sa granulométrie est limitée
à 3-4 mm. Le sable est l'abrasif principal, de granulométrie
de 0-8 mm sur les routes en dessous de 70 km/h et de granulométrie
0-4 mm au dessus. Il est traité à 3% de sel pour faciliter
son entreposage et aussi améliorer le collage sur la chaussée.
De la pierre concassée (2-5 mm sans ajout de sel) est de plus en
plus utilisée en zones urbaines. De la pierre concassée 2-4
mm est utilisée sur les trottoirs et les pistes cyclables, qui soit
dit en passant sont entretenues en hiver. Mais, même si les moyens
sont proches, des différences notables existent. Nous allons essayer
de les survoler.
Définitions des niveaux de service
Ils sont définis à partir de quatre critères objectifs
: le coefficient de frottement, les inégalités de la surface,
l'épaisseur de la couche de neige présente sur la chaussée
et la température de surface de la chaussée.
Il y a 5 niveaux (N1-N5) selon la densité du trafic journalier
(T).
Leurs définitions sont une combinaison des critères ci-dessus.
(voir tableau ci-contre).
Tous les niveaux de service y compris sur les pistes cyclables et les
trottoirs sont définis de cette manière.
Mesure du frottement hivernal
Cette politique a pu se mettre en place grâce au développement
d'outils de mesure du frottement des surfaces hivernales. Sur les routes,
le décéléromètre embarqué est le plus
utilisé (en particulier toute la série de CORALBA). Il a des
limites évidentes (danger de la mesure, effet des pentes, mesure
ponctuelle). D'autres matériels ont donc été développés
:
- TWO ensemble tracté de deux petites roues reliées par
une chaîne induisant un taux de glissement permanent de l'une des
deux ;
- Remorque ROAR Mark III équipée de nombreux capteurs (vitesse
des roues, freinage, dynamomètre, ...) qui fonctionne été
comme hiver ;
- Remorque OSCAR qui sert de valeur étalon pour tous les autres
outils de mesure ;
- Une petite machine manoeuvrée à la main (ASFT 2GO) qui
reprend le principe du TWO mais est utilisable sur les trottoirs ou les
pistes cyclables.
Organisation générale sur le réseau national
Sur le réseau national (100 000 km) 165 millions $ (à comparer
aux 180 millions $ pour les 30 000 km du réseau du MTQ) est consacré
à l'entretien d'hiver (25% du budget d'entretien, autour de 50% au
Québec). 50% de cette somme est constituée de charges fixes.
Il y a 146 territoires de contrats d'entretien (été+hiver)
(à comparer aux 900 circuits d'entretien d'hiver du MTQ). Ces contrats
font entre 600 et 1000 km par territoires (contre 55 km par contrat ou en
régie au MTQ). 400 contrats (aux entrepreneurs, 400 aux municipalités
(des petits circuits souvent inclus dans les circuits municipaux et une
centaine en régie). 2600 camions d'entretien d'hiver sont utilisés
soit 37,7 km par camion. En plus des niveleuses et des tracteurs agricoles
principalement pour les pistes cyclables.
Le passage aux contrats s'est opéré de 1992 à 1999
et maintenant tous les territoires sont donnés à contrat.
La régie du ministère (constituée en entreprise publique)
s'occupe de 61% du kilométrage (20% au Québec) alors que 3
grosses compagnies s'occupent de 34% (au Québec, environ 260 entrepreneurs
se partagent 400 contrats). Des petits entrepreneurs se sont regroupés
pour entrer sur le marché et assurent aujourd'hui 4 contrats.
Une nouvelle stratégie de réduction de l'emploi du sel
depuis 2004
La conscience écologique des pays nordiques se manifeste dans
leur volonté de limiter l'emploi des fondants et leurs rejets dans
la nature.
L'administration suédoise des routes a travaillé ces quinze
dernières années pour limiter l'usage du sel de déneigement.
Un comité "MINSALT" formé au début des années
1990 a fait les recommandations suivantes :
- pas de sel sur les routes en dessous de 2000 véhicules jour
(sauf en automne et au printemps) ;
- intensifier l'emploi de la saumure, principalement pour les épandages
préventifs ;
- améliorer les prévisions météorologiques
;
- améliorer les équipements de déneigement et déglaçage.
Aujourd'hui, la Suède épand environ 300 000 t de sel par
hiver (six fois moins que le Québec). Même si cela semble faible
par rapport aux autres pays, la Suède continue de viser à
réduire ces quantités tout en maintenant un haut niveau de
sécurité routière hivernale (un autre programme suédois
vise le zéro mort sur les routes!).
Des outils appropriés à cette politique
Outre les outils de mesure du frottement déjà cités,
la Suède a développé toute une série d'outils
pour soutenir la modernisation de son entretien d'hiver. On peut citer comme
exemples :
- un réseau de 700 stations météo routières,
qui mesurent les températures de l'air et de la surface, l'humidité
de l'air, la nature et la quantité des précipitations. Certaines
de ces stations sont équipées de caméras. Toutes leurs
données ainsi que les prévisions météo spécialisées
se retrouvent sur le réseau Internet (www.vv.se) ;
- des index pour la gestion : le "Weather index" qui décrit
le nombre d'occasion de glace, de neige ou de congères et le "Salt
index" qui décrit la consommation actuelle versus la consommation
recommandée en fonction des conditions hivernales ;
- un programme ministériel de formation systématique des
contremaîtres ;
- des mesures de performances aussi bien internes qu'externes (la satisfaction
des usagers privés et professionnels est mesurée chaque année)
;
- des études sur la sécurité du trafic versus les
conditions hivernales. En particulier, la réduction des accidents
des véhicules équipés de pneus d'hiver est établie
;
- une obligation légale d'équiper les véhicules
de plus de 3,5 t de pneus d'hiver entre le 1er décembre et le 31
mars. Les pneus à crampons sont autorisés du 1er octobre au
30 avril. À noter que la Finlande voisine oblige les pneus d'hiver
pour tous les véhicules ;
- un grand projet "Winter model" (2000-2005) vise à
englober tous les aspects (effets sur les véhicules et la sécurité,
opérations hivernales, aspects environnementaux, aménagement
des routes, aspects sociaux et économiques...) pour définir
le meilleur niveau de service possible. Aujourd'hui, tous les travaux, études
et recherches effectués dans le pays sur la viabilité hivernale
s'inscrivent dans ce modèle.
Conclusion
Comme ses voisins (Norvège et Finlande) la Suède est un
pays nordique qui s'assume. La circulation hivernale est abordée
avec beaucoup de pragmatisme mais aussi une vision environnementale et sociétale
très large. Cette approche donne lieu à des efforts de tous
les acteurs concernés (et en particulier les automobilistes dont
le comportement en hiver étonne). Tout n'est pas parfait, aux dires
même des conférenciers suédois, beaucoup d'efforts restent
encore à faire, en particulier auprès des entrepreneurs.
Néanmoins, la Suède pourrait être une belle source
d'inspiration pour le Québec. |