Les Carrefours gyratoires


 

par: Jean-François Dubois

 

Connu et utilisé depuis longtemps en Europe, le carrefour giratoire s'apprête à faire sa tournée au Québec. Bien qu'il existe quelques carrefours semblables sur le réseau routier québécois, cela demeure tout de même un type d'intersection peu connu et surtout peu exploité.

 

Un peu d'histoire

Autrefois, on retrouvait souvent, au point de convergence de certaines routes, des ronds-points au milieu desquels on érigeait un ornement architectural tel une statue, une fontaine, etc., la circulation s'y faisant un peu en tous sens. Avec l'augmentation de la circulation et, surtout, l'arrivée de l'automobile, la nécessité d'adopter des règles de priorité et de sens de circulation s'est vite fait sentir.

Toujours à cause de l'augmentation continue du débit de circulation dans ces ronds-points, la règle de priorité aux véhicules entrants qui prévalait à ce moment-là a un peu été à l'origine de l'abandon généralisé de ce type de construction, les manuvres devenant de plus en plus laborieuses et risquées.

Au milieu des années 60, l'Angleterre adopte la règle de priorité à l'anneau à l'intérieur de ses ronds-points qui est en quelque sorte la notion de base du carrefour giratoire. Selon cette règle, les véhicules se trouvant déjà dans le rond-point (l'anneau) ont priorité de mouvement sur les véhicules qui veulent s'intégrer à celui-ci. Le mouvement à l'intérieur de l'anneau reste donc fluide et ininterrompu et avec une bonne gestion des déplacements aux approches, le carrefour giratoire devient une alternative intéressante au carrefour conventionnel.

Cette "trouvaille" devient la rampe de lancement à la propagation du carrefour giratoire à travers le monde. En effet, durant les années 70, ce genre d'installation se répand dans plusieurs pays notamment en Australie, en Nouvelle-Zélande et aussi aux États-Unis. En France, bien que la construction de ce type de carrefour ait commencée également dans les années 70, c'est seulement à partir de 1983, alors que la règle de priorité à l'anneau fut adoptée, que le phénomène connut son expansion.

On dénombre aujourd'hui quelque 35 000 installations du genre à travers le monde dont 15000 à 20000 en France seulement. Au Québec, les quelques carrefours giratoires que l'on retrouve ne respectent pas nécessairement tous les principes de bon fonctionnement d'un tel carrefour.

 

Concept général

L'anneau crée une déflexion dans l'alignement de l'axe routier, ce qui oblige les automobilistes à ralentir à l'approche du carrefour. Chaque approche comporte un panneau de "cédez le passage", ce qui permet une certaine fluidité lorsqu'il n'y a personne dans l'anneau. Une fois intégré à l'anneau, l'usager n'a qu'à choisir l'embranchement qui lui convient afin de continuer sa route. La marge d'erreur est absorbée par le fait qu'un automobiliste qui se trompe d'embranchement peut se reprendre aisément en faisant un tour complet dans l'anneau pour ensuite se diriger vers la sortie souhaitée.

Le stationnement n'est pas permis à l'intérieur de l'anneau pour des raisons évidentes de fluidité.

À un carrefour giratoire, la sécurité s'en trouve améliorée grâce à plusieurs facteurs, notamment:

  • le sens unique sur l'anneau ;
  • les différentiels de vitesses plus faibles ;
  • l'absence des conflits de cisaillement ;
  • la disparition des manuvres de virage à gauche qui sont une source importante d'accidents dans les intersections conventionnelles.

Le nombre et le type de conflits pouvant conduire à un accident est beaucoup moins grand dans un carrefour giratoire que dans un carrefour conventionnel. Pour une intersection à quatre branches, le nombre de conflits passe de 32 à seulement 8 en faveur du giratoire.

Mais les piétons?

Les piétons sont également en meilleure sécurité puisque les passages sont situés dans les approches et qu'aucune circulation piétonnière n'est permise à l'intérieur de l'anneau. Le potentiel de conflits entre les automobilistes et les piétons est moins grand et la vitesse à l'intérieur du giratoire est aussi moins élevée qu'à une intersection avec feux. De plus, les automobilistes qui approchent du carrefour giratoire sont toujours en état de décélération compte tenu de la déflexion mentionnée plus haut ce qui permet un meilleur temps de réaction face à toute situation d'urgence.

 

Et les cyclistes?

Les cyclistes ne doivent pas être oubliés lors de la conception d'un carrefour giratoire, leur sécurité en dépend.

Pour ce faire, il faut se questionner sur le niveau de sécurité que l'on veut offrir à ceux-ci en fonction des caractéristiques en place. Il y a plusieurs alternatives pour assurer une intégration harmonieuse des cyclistes:

  • les incorporer au trafic automobile ;
  • inclure une bande cyclable à l'intérieur de l'anneau ;
  • construire une bande multifonction sur le pourtour de l'anneau ;
  • aménager une piste cyclable autour de l'anneau (à l'extérieur de celui-ci).

Dans le cas de l'incorporation des cyclistes dans le flot des automobiles, il est souhaitable de s'en tenir à cette solution seulement lorsque nous sommes en présence d'un giratoire à une voie. L'option d'inclure une bande cyclable à l'intérieur de l'anneau n'est généralement pas recommandée car c'est l'option où la sécurité des cyclistes est la plus diminuée.

Les deux autres options sont bien sûr idéales puisque les automobilistes et les cyclistes sont séparés. Enfin, en ce qui concerne l'aménagement d'une piste cyclable autour de l'anneau, celle-ci doit être en continuité avec une piste existante car dans le cas contraire, elle risque de ne pas être utilisée.

 

En ce qui concerne l'entretien

Les problèmes d'entretien les plus couramment rencontrés sont les suivants:

  • difficulté pour les camions de déneigement plus gros de circuler à l'intérieur de l'anneau dû au rayon, principalement pour les giratoires de petites dimensions et près de l'îlot central ;
  • la configuration des camions de déneigement fait que la neige est toujours poussée vers l'extérieur, ce qui, à la longue, contribue à augmenter l'ampleur des amoncellements de neige et diminue la visibilité ;
  • dans le cas des giratoires à une voie, l'entretien courant durant l'été occasionne des refoulements ou même, dans certains cas, un arrêt complet de la circulation.

Par contre, il semble que les coûts d'entretien d'un carrefour giratoire sont moins élevés que pour une intersection conventionnelle.

Enfin, il existe plusieurs logiciels consacrés à la conception des carrefours giratoires qui permettent de calculer des capacités, des délais, des longueurs de file d'attente et ce, en fonction des caractéristiques propres à chaque secteur à l'étude. En voici quelques-uns:

 

Les avantages

À travers toute la littérature qui existe concernant les carrefours giratoires et ce, peu importe la provenance de celle-ci, il ressort plusieurs avantages liés à la construction de tels ouvrages. En voici quelques-uns:

  • amélioration de la fluidité du trafic ;
  • diminution de la vitesse des véhicules dans les carrefours ;
  • diminution des accidents et surtout de la gravité de ceux-ci ;
  • moins polluant qu'une intersection conventionnelle.

 

Les inconvénients

  • amoncellement de neige durant la période hivernale ;
  • entretien courant d'été plus compliqué quant à la gestion de la circulation ;
  • inconfort pour les usagers dû aux déflexions des approches et au mouvement circulaire ;
  • traversée plus longue pour les piétons.

En résumé, malgré quelques inconvénients somme toute mineurs, l'aménagement de carrefours giratoires offre de nombreux avantages si, bien sûr, la conception est faite selon les règles de l'art. Évidemment, ce n'est pas toutes les intersections qui se prêtent bien à de tels dispositifs. Une étude approfondie de toutes les caractéristiques du milieu doit être mise en place.

Enfin, tout porte à croire que le paysage routier québécois risque bien de changer dans les prochaines années.


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