Écologie routière : les dispositifs de mitigation


Jean-François Dubois

 

Dans mon dernier article portant sur l'écologie routière (janvier 2005), je faisais un survol des principes environnementaux qui guident les concepteurs de projets routiers lors de la conception. Dans le présent article, il sera question de certains moyens physiques auxquels ceux-ci peuvent avoir recours afin d'éliminer ou d'amoindrir les impacts sur les habitats fauniques.

 

Ponceaux vs poissons

Lorsque nous circulons sur la route, nous ne voyons pas les cours d'eau que nous traversons et encore moins les poissons qui s'y trouvent. Les ponceaux de toutes formes et de toutes dimensions qui y sont installés afin que nous puissions traverser ces ruisseaux deviennent souvent des &laqno;barrages» empêchant les poissons de nager librement vers leur zone de fraie. Les débris accumulés dans le ponceau, la différence entre la hauteur du radier du ponceau et la surface de l'eau du ruisseau ainsi que la modification des caractéristiques hydrauliques de celui-ci sont les principales sources de problèmes.

Dans le cas d'une nouvelle construction ou d'un remplacement, les concepteurs peuvent prévoir ces irritants et orienter la construction de façon à minimiser l'impact sur la faune aquatique. L'idée de base est de reproduire autant que possible les conditions naturelles du site. Faire en sorte de ne pas augmenter le débit et le niveau de l'eau.

Tunnels pour amphibiens
Il arrive fréquemment qu'une route se trouve tout près d'une zone marécageuse où habitent certaines espèces d'amphibiens. Comme ces routes ne contournent pas nécessairement l'ensemble de l'habitat, elles forment en quelque sorte une barrière à la migration nécessaire de l'espèce pour sa reproduction.

Le Florida Department of Transportation (FDOT) a mis sur pied, en 1999, un projet pilote qui consistait à construire un mur de 1,1 mètre de haut et de 2,9 km de long, le long de l'autoroute 411. Le haut de ce mur comporte comme particularité un petit ourlet d'une quinzaine de centimètres qui empêche les animaux d'escalader celui-ci. L'animal qui tente de contourner cet ourlet se voit contraint de lâcher prise à cause de la gravité. Ce mur est raccordé à quatre tunnels qui sont espacés également entre quatre ponceaux déjà existants. Les animaux qui rencontrent ce mur sont amenés naturellement vers les tunnels et les ponceaux qui leur permettent de traverser la route sans danger.

Ce projet, appelé &laqno;ecopassage», s'est terminé en décembre 2000 et a déjà remporté un prestigieux prix : le Globe Engineering Award.

Passage d'orignaux
Plus près de nous, un projet de recherche est actuellement en cours dans la réserve faunique des Laurentides. Une clôture électrifiée a été installée sur une distance d'environ 10 kilomètres sur la route 169 de façon à diriger les orignaux, nombreux dans ce secteur, vers un passage spécialement aménagé. Arrivé à ce passage, l'orignal croise un dispositif à rayon laser qui déclenche un système lumineux sur un panneau spécialement identifié. L'automobiliste qui aperçoit les feux clignotants sur ce panneau peut déjà s'attendre à apercevoir un orignal sur la chaussée ou près de celle-ci ce qui lui permet d'adapter sa conduite en fonction de ces informations. Voilà une application du concept de l'écologie routière qui a un impact direct sur la sécurité des usagers de la route.

Ce projet de recherche est mené par la Direction générale de Québec et de l'Est du ministère des Transports du Québec.

Passages pour animaux
Beaucoup plus rares au Québec qu'en Europe, les passages pour animaux sont de véritables structures enjambant un axe routier (une autoroute par exemple) sur lesquelles on recrée un environnement semblable à celui des abords de l'axe routier. On retrouve donc de l'herbe, des roches, des arbres et parfois même, des points d'eau et des marécages! Ceci constitue donc un passage des plus naturel pour l'animal qui n'a pas à se faufiler à travers la circulation.

Poteaux verticaux pour oiseaux marins
Près de Melbourne Beach, dans le sud-est de la Floride, les collisions avec les oiseaux marins migrateurs étaient si fréquentes sur un pont en hauteur enjambant la jonction de deux rivières que les responsables du département des transports (FDOT), en collaboration avec le département de la protection environnementale (FDEP), ont organisé l'installation de 122 poteaux de métal de 2,8 mètres de haut de chaque côté du pont afin de faire dévier la trajectoire de vol de ces oiseaux. Les poteaux sont juste assez espacés pour décourager les oiseaux de passer entre ceux-ci.

Une étude a ainsi déterminée que ces poteaux ont permis une réduction des accidents mortels de près de 64%. Ce dispositif est particulièrement bénéfique pour les jeunes oiseaux qui ne jugent pas bien la bonne hauteur de vol à adopter.

Voici donc, en quelques paragraphes, un tour d'horizon de ce qui peut se faire en matière d'écologie routière afin d'appliquer des moyens de mitigations pour préserver les habitats fauniques situés près des axes routiers. Et il en existe plusieurs autres.

Ce qu'il faut retenir, c'est que le succès de tels dispositifs repose sur la concertation avec les différents intervenants des milieux du transport et de l'environnement. Concept relativement nouveau, l'écologie routière est un secteur d'activité où l'ouverture d'esprit et l'ingéniosité vont de paire.

 


© InfraStructures - Tous droits réservés - All rights reserved