L'approvisionnement municipal est-il prêt pour le 21e siècle?
Le gouvernement provincial a imposé aux municipalités, une facture supplémentaire récurrente à partir de l'année 1998. Il a également attribué des mesures obligatoires de récupération de ces sommes, entre autres dans la masse salariale des employés. Les élus et fonctionnaires municipaux se creusent encore les méninges pour trouver les fonds pour rencontrer ces exigences. Une approche a été omise dans la majorité des villes à mon avis, soit celle d'un nouveau concept de l'approvisionne-ment. Une vision, non seulement nouvelle, mais innovatrice voir audacieuse, dans le contexte municipal actuel. Le terme "coupure" est à la mode dans les domaines de l'administration publique; l'on s'attend également à une meilleure gestion de la part des municipalités; où peut-on regarder maintenant? A-t-on étudié l'approche différente de l'approvisionnement qui ne privilégie pas la notion de coupure mais bien celle de considérer l'approvision-nement municipal différemment? Il existe deux approches de l'approvision-nement, une comptable et une autre que je nommerais le support direct aux opérations. Dans les faits, voici un exemple de l'impact d'une vision comptable. Dans son communiqué MUNI-EXPRESS no 7 du 29 juin 1998, le ministère des Affaires municipales énonce des changements au manuel de la comptabilité municipale. Lorsqu'il est question de la présentation des immobilisations, on a énoncé une modification au dit manuel: "elles devront l'être au bilan au coût amorti, en tenant compte de la durée de vie utile de chaque catégorie d'actifs". Ces changements auront un impact sur les pratiques appliquées dans chaque municipalité, d'où l'importance de bien s'informer et de recevoir l'information adéquate à ce sujet". On n'a pas parlé de l'opportunité de gérer ces actifs, mais de les comptabiliser! La comptabilité d'un amortissement est une opération financière facilement obtenue par un calcul linéaire ou régressif produisant un chiffre à un moment donné. Plusieurs villes n'auront pas le réflexe de récupérer cette opportunité de gestion matérielle, parce qu'elles ont pour la plupart une orientation comptable. Cette approche comptable dans les villes est peut-être d'origine historique ou légale. Les trésoriers ayant été investis par la Loi des cités et villes du contrôle des argents et des dépenses municipales, ils ont évolués avec "l'acheteur de la ville" dans leurs rangs. Mais au fait combien de municipalités ont du personnel dédié aux achats et à l'approvisionnement? Certaines villes n'en ont même pas! Le gouvernement provincial a mis sur pied une commission nationale sur les finances et la fiscalité locales. Il est fort peu probable que l'approvisionnement soit à l'ordre du jour. Il est indiqué dans un dossier accessible via le site internet du MAM (http://www.mam.gouv.qc.ca/ ) dans un document sur le sujet, que les bénéfices d'une meilleure gestion sont difficilement mesurables! Pourtant je crois que cela l'est bien facilement. L'approvisionnement à mon point de vue, et à celui d'un nombre croissant de personnel de la profession, ce n'est pas de la comptabilité, de la trésorerie ni de la finance. Bien que les deux disciplines et les systèmes se rejoignent parce que les engagements des bons de commandes se font au grand livre et que les factures se paient à la comptabilité, les fonctions et les rôles sont distincts dans leurs objectifs. Les comptables gèrent et contrôlent les budgets, les états financiers et les stratégies comptables, les recettes, les investissements monétaires, la dette. L'approche comptable de l'approvisionne-ment s'attachera plus facilement donc à l'aspect économique ou commercial des achats, aux réductions de prix et de coûts et jugera de la performance de l'approvision-nement en fonction de la paperasse, du nombre de commandes, des temps d'exécution des réquisitions et des sources d'approvisionnement. L'acheteur y sera souvent ainsi un "donneur de bon de commande" sans valeur ajoutée au processus mais satisfaisant la comptabilité d'un engagement aux états financiers et facilitant le traitement des factures. L'approvisionnement qui s'adresse à la gestion matérielle des intrants, des actifs (incluant les inventaires), des stratégies d'achats et d'acquisitions, de la distribution du matériel s'il y a lieu, est une approche de support aux opérations et s'intéresse d'abord à la qualité du service à rendre à ses clients internes (travaux publics, loisirs, urbanisme, etc.). Quel est le meilleur moyen de rendre le service? Quelqu'un d'autre a-t-il besoin du même service? Le client a-t-il besoin de ce qu'il demande en plus ou en moins? Quelles sont les meilleures "stratégies" d'achat, les relations avec les fournisseurs, les analyses de valeur? Chaque ville demeure bien sûr, libre de gérer comme elle l'entend. Pourtant, il serait surprenant de constater la récupération possible avec une gestion efficace des approvisionnements. Comment fait-on maintenant dans votre ville ou municipalité la gestion des actifs, la "gestion" des achats, celle des garanties, des analyses de valeur, des contrats de services, de l'attribution et du contrôle des biens, qui sont plus importants que des mécanisme qui sont parfois établis pour "contrôler" les sorties de biens non durables de faible valeur? L'approvisionneur est-il au fait des projets, développements ou doit-il réagir à la dernière minute et rapporter qu'il est impossible d'obtenir ce qui est demandé à cause de cela ou bien il faudra dépasser les budgets? Comment achetez-vous les fournitures de bureau? En produisant un bons de commande pour chaque besoin et qui le fait? La production d'un bon de commande coûte en moyenne 100$ en Amérique du nord; multipliez le nombre de bon de commande que vous faites pour ces achats c'est votre coût d'approvisionnement. Si c'est ce que vous faites, ne soyez pas surpris que ce coût représente jusqu'à 40% du montant de la dépense en fourniture. Les entreprises ayant comme objectif de faire des profits s'intéressent depuis plusieurs années, de façon très pointue, à leurs systèmes et processus d'approvisionnement; cette fonction est maintenant largement considérée comme un centre de profit, donc très stratégique. Afin d'articuler l'impact de leurs approvisionne-ments, la tendance lourde situe la fonction au niveau de la vice-présidence ou à un niveau de direction où l'approvisionnement a une visibilité très élevée, une autorité réelle et une contribution directe aux opérations. Un sondage non scientifique que j'ai effectué auprès d'une quinzaine de villes du Québec parmi les plus populeuses, avec la CUQ et un centre hospitalier me révèle les quelques observations suivantes: 1. La fonction est principalement sous la responsabilité du trésorier et selon ma théorie l'on aura tendance à une approche "comptable"; d'autres ont poussé la théorie du support aux opérations jusqu'à être sous la tutelle du plus gros "client" interne (services techniques, travaux publics). Pourquoi ne sont-ils pas dans une position plus "stratégique", là où ils pourraient être rentables pour l'ensemble de la ville? 2. Plusieurs ont des systèmes informatiques "maison" ou n'en ont pas. Certaines villes, incluant d'autres que celles de mon sondage, se sont dépêchées à se doter de systèmes financiers, mais ont-elles tenu compte de la jonction avec l'approvisionnement dans leurs priorités, c'est-à-dire la gestion des actifs, la planification des achats et des soumissions, la gestion des inventaires? L'approvisionnement dans ce cas sera une remorque alors qu'il devrait être une locomotive. Nous devrons par la suite constater que les développeurs n'ont peut-être pas conçu des modules adaptés aux besoins de l'approvisionnement. Internet est un outil peu ou pas connu alors que le commerce électronique se développe rapidement et que les villes doivent maintenant l'utiliser pour les appels d'offres publics. Certains se limitent encore à cette simple utilité. 3. Le personnel en place est-il formé pour la tâche? Plusieurs établissements d'enseignement proposent maintenant des cours spécialisés en approvisionnement au niveau collégial et universitaire. La Corporation provinciale des Approvisionneurs est le seul organisme provincial affilié à l'Association canadienne de gestion des approvisionnements, voué à l'avancement de la profession; l'approvisionnement est devenue une véritable profession dont les postes devraient être occupés par des personnes ayant des compétences spécifiques dans le domaine. 4. Les regroupements d'achats sont peu, pas ou mal utilisés et ne sont pas toujours efficaces pour diverses raisons et parfois parce que non exploités par le personnel compétent en approvisionnement. Il y a dans cette avenue un grand potentiel qui ne nécessite pas de ressources supplémentaires. Les petites corporations municipales sont sans doute celles qui ont à bénéficier d'une meilleure gestion de l'approvisionnement. L'on pourra avancer que celles-ci n'ont pas les moyens de se payer une personne qualifiée en approvisionnement. Pourtant des regroupements régionaux pourraient être tellement bénéfiques. Les partenariats stratégiques, la planification des besoins, les réductions de coûts et même j'avancerais l'amélioration de certains services seraient autant de facteurs assurant une rentabilité significative; alors on n'aura pas à couper dans les services, les salaires ou aller dans la poche des contribuables ce qu'aucun élu n'a envie de faire. Il y a certaines barrières à franchir parce que chaque corporation aura ses habitudes, ses préférences. Je crois que l'enjeux est trop important pour ne pas faire ces pas importants. Les administrations municipales de la province ne me semblent pas à la saveur du 21ième siècle en ce qui concerne la gestion de l'approvisionnement. Des efforts organisationnels imminents et des investissements doivent être mis en place pour que l'approvisionnement soit un service stratégique dans l'administration d'une ville/municipalité. Les entreprises privées ont adopté l'approche alors pourquoi ne pas s'inspirer de leurs résultats positifs et s'offrir une solution gagnante. Plus que le bogue de l'an 2000, les systèmes d'approvisionne-ment inadéquats perpétueront les administrations "en sacs à surprises" et elles sont rarement plaisantes.
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