Les déchets qui font du chemin
"Moins on enfouit de déchets, plus on récupère, mieux se portera la société québécoise!" C'est ce qu'affirmait Maurice Latulippe, président directeur général de la société d'État RECYC-QUÉBEC, à la veille du 1er Forum national sur la gestion des matières résiduelles 2003. Cet événement intitulé "Cap sur 2008" (qui s'est tenu les 30 et 31 janvier dernier) à l'hôtel Renaissance de Montréal, vise la mobilisation des représentants de tous les milieux de la société afin de trouver des solutions pour atteindre les objectifs du Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008. Le Plan d'action comprend vingt-neuf actions précises et est articulé autour de cinq principes visant tous les secteurs de l'activité économique. L'un de ces principes, les 3RV-E, semble être le point central de ce Plan. Il stipule que la réduction à la source, le réemploi, le recyclage, la valorisation et l'élimination doivent être privilégiés lors des choix de gestion des matières résiduelles. Pour chacun des secteurs de l'industrie, des commerces et des institutions (ICI), le Plan vise un objectif global de récupération des résidus à plus de 80%. Pour les matières recyclables des papiers et emballages, on aimerait atteindre l'objectif de 70%, pour le verre, 95%, le plastique, 70%, les métaux, 95% et les matières du bois, plus de 70%. Chez RECYC-QUÉBEC, on s'inquiète du faible taux de récupération et de recyclage. "Nous devons revoir nos modes de production et de consommation, récupérer et recycler davantage, restreindre l'élimination (des déchets)", ajoutait Monsieur Latulippe. Le Québec génère plus de 9 millions de tonnes (mt) de déchets par année. Au 31 mars 2002, seulement 35% des 7,7 mt de déchets récupérés étaient revalorisés ou retournés dans le cycle de la production et de la consommation de produits. Le Plan d'action québécois, adopté en 1998, vise à augmenter ce pourcentage à plus de 65% par année. Les autres 1,3 mt de déchets sont généralement souillés, contaminés ou irrécupérables pour des raisons techniques ou économiques. Pour atteindre les objectifs du Plan, les entreprises du secteur des ICI qui génèrent des contenants, emballages ou imprimés mis au rebut par les ménages québécois ont l'obligation de les récupérer et de les mettre en valeur ou de contribuer au financement d'un système visant le même but. RECYC-QUÉBEC et l'industrie des boissons gazeuses ont déjà mis sur pied la gestion d'un système de consignation. Au mois de janvier 2001, suite au succès phénoménal de la campagne "Tu rapportes, on recycle!", ils ont renouvelé leur entente de partenariat jusqu'au 31 décembre 2005. L'entente avec l'industrie brassicole vient à échéance le 31 décembre 2003. Le Rapport annuel de gestion 2001-2002 de la Société RECYC-QUÉBEC au 31 mars 2002 montre que le taux de récupération des contenants à remplissage unique (CRU) de bières et de boissons gazeuses est passé à plus de 76%, correspondant à près de 980 millions de contenants pour cette année. Cette industrie est sur le point d'atteindre l'objectif fixé par le Plan qui est de 80%. À ce jour, environ 7,95 milliards de contenants d'aluminium, de plastique et de verre ont été récupérés grâce au système québécois de consigne. Le transport des matières résiduelles à la croisée
des chemins Pour consolider la collecte sélective et assurer un meilleur partage des responsabilités, le Plan a prévu la mise en place de mesures pour obtenir une participation financière équitable et obligatoire de l'industrie identifiée aux produits qui se retrouvent dans les bacs de recyclage. Selon les données recueillies, les bacs contiennent environ 60% d'emballages de toutes sortes, 20% de dépliants publicitaires et 20% de quotidiens, hebdos et magazines. Le 29 novembre 2002, le gouvernement québécois annonçait suite au dépôt à l'Assemblée Nationale du projet de Loi 102 sur le recyclage, que les emballeurs et les médias devraient assumer une partie des coûts du recyclage. Le coût de la collecte sélective atteint présentement les 70 millions $, alors que la vente de produits récupérés (papier, carton, verre, plastique, métal) ne rapporte que 20 millions $. Le déficit de 50 millions $ était jusqu'ici entièrement assumé par les 950 municipalités offrant ce service. Avec la Loi 102, les entreprises auront l'obligation de couvrir jusqu'à 50% du déficit. Le président de RECYC-QUÉBEC "ne croit pas que l'industrie va contester la Loi 102 puisqu'elle reconnaît sa responsabilité dans la gestion des matières résiduelles." Le secteur de l'enfouissement Au Québec, les entreprises privées sont propriétaires de seulement 6 des 64 lieux d'enfouissement sanitaires (LES) en exploitation mais elles éliminent les deux tiers des déchets. L'enfouissement est dans une situation des plus critique aujourd'hui, car certains lieux sont saturés. Des études ont démontré que des matières dangereuses tels les peintures, les solvants et les huiles usées s'échappaient de certains lieux et contaminaient les sols et les eaux souterraines ou de surface. Un rapport du Bureau des audiences publiques en environnement, BAPE, de 1998, révélait que depuis de 1994, aucun lieu n'était conforme à l'ensemble des mesures prévues par le Règlement sur les déchets solides en se servant de la capacité filtrante des sols. Ils contaminaient les eaux de surface et /ou les eaux souterraines et émettaient des gaz à effet de serre. Une autre étude du ministère de l'Environnement confirmait, en 1998, qu'une trentaine de lieux d'enfouissement se servaient toujours de la capacité filtrante naturelle des sols sans être munis d'un système de captage et de traitement des eaux. Aucune indication ne montre que la situation ait changé depuis cette date. "Les gens ne veulent plus des sites d'enfouissement. On doit atténuer leurs impacts sur l'environnement car les déchets sont responsables de 7% des gaz à effet de serre (GES)" d'ajouter Monsieur Latulippe. Convaincu du bien fondé de la mission de RECYC-QUÉBEC et malgré la réussite du Complexe environnemental de Saint-Michel (ex-carrière Miron), Pierre Després, d'Alcoa Canada, est d'avis que "l'enfouissement de résidus et la consommation inutile de ressources sont des problèmes de société importants. Il vaut la peine d'investir des efforts pour trouver des solutions rapidement." Les usines québécoises du Groupe Nord-Est d'Alcoa se sont données comme objectif de réduire de 20%, d'ici la fin de 2003, les résidus destinés à l'enfouissement. Comme le souligne le président de RECYC-QUÉBEC, "nous estimons que le Plan d'action québécois de gestion des matières résiduelles 1998-2008 est réalisable. Il faut que tous les milieux s'y mettent car il y a du travail à faire" Des pistes de solutions innovatrices RECYC-QUÉBEC aimerait entreprendre, au niveau de la collecte sélective, une identification exhaustive des matières qui se retrouvent dans les bacs. De concert avec l'industrie et les municipalités, la Société d'État aimerait étudier la possibilité d'établir des critères de performance d'ICI pour la gestion des matières résiduelles dans les édifices publics. L'atteinte des objectifs du plan de gestion serait récompensée par une reconnaissance publique du participant. De plus, l'adoption d'un projet de loi qui permettrait la perception d'un droit à l'enfouissement des déchets serait une avenue à privilégier. RECYC-QUÉBEC aimerait également établir avec l'industrie un système de filière pouvant toucher, par exemple, chacune des matières recyclables qui entrent dans la fabrication d'une automobile, d'une pile ou du verre. Dans le même sens, on aimerait établir un système pour suivre à la trace les matières qui entrent dans la composition d'un produit. Un atelier fort attendu lors du forum était celui de l'Éco-Conception tel que vécu par des multinationales américaines. Ce concept permet d'obtenir un taux de valorisation des matières jusqu'à 90%. "Les gens d'affaires recherchent naturellement le profit. Ils sont prêts comme citoyen corporatif à faire leur part. Tout ce qu'ils veulent savoir c'est COMMENT? Nous, au forum, nous répondrons à cette question!" , de conclure avec optimisme Monsieur Latulippe. Créée en 1990, RECYC-QUÉBEC est une société d'État qui a pour mission de promouvoir, développer et favoriser la réduction, le réemploi, la récupération et le recyclage de contenants, d'emballages, de matières ou de produits, ainsi que leur valorisation dans une perspective de conservation des ressources. Par sa mission, la Société d'État joue un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre du Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008. Comme nous pouvons le constater, l'industrie de la gestion des déchets est devenue un secteur important de l'activité économique. Nos ressources étant rares et limitées, notre responsabilité en tant que citoyen est de les préserver pour les générations futures. Récupérer et revaloriser pour réduire le gaspillage à la source semble être la voie naturelle pour garantir cet héritage. Gérer ses déchets de production et de consommation devrait être un comportement naturel pour chaque citoyen. Aimeriez-vous savoir que votre quartier, votre rue ou votre maison se situe sur un ancien site d'enfouissement sanitaire simplement parce que des gens ne croyaient pas au recyclage des matières résiduelles ? Les principaux intervenants dans la gestion des déchets sont les récupérateurs et les centres de récupération et de tri qui collectent des articles fabriqués à partir du carton, du métal, du plastique et du verre ; les recycleurs, qui utilisent les matières secondaires provenant des récupérateurs et qui les transforment en matières directement utilisables dans la fabrication de produits ; les ressourceries, qui récupèrent, restaurent et vendent à bon prix les meubles et les vêtements ; les entreprises de compostage qui revalorisent les matières organiques sous forme de compost. Les entreprises d'élimination sites d'enfouissement et incinérateurs, les municipalités et RECYC-QUÉBEC, sont les autres acteurs majeurs dans la gestion des déchets. Notons que les municipalités régionales de comté (MRC) doivent émettre d'ici janvier 2004 un Plan sur la planification régionale de gestion des matières résiduelles. Le Complexe environnemental Saint-Michel : un site expérimental
complet Les déchets reçus sont compactés et recouverts quotidiennement d'une épaisseur de terre de 20 cm. L'enfouissement des matières putrescibles restes de table ou feuilles d'arbres génère des biogaz, des odeurs et du lixiviat qui proviennent de la décomposition en absence d'oxygène. Le biogaz est un mélange de méthane et de dioxyde de carbone. Le méthane contribue 21 fois plus fortement à l'effet de serre que le dioxyde de carbone. Heureusement, un système de captage de 300 puits et de 7 compresseurs aspire quotidiennement près de 700 000 m3 de biogaz, ce qui permet d'alimenter une mini-centrale thermique d'une capacité de 25 Mw. La Société Gazmont, associée à la Ville de Montréal, s'occupe de la valorisation des biogaz. Le lixiviat est un composé aqueux résultant du contact de l'eau avec les déchets. Pour éviter toute contamination des eaux souterraines, des digues et des couches de roc concassé ont été ajoutées au lieu d'enfouissement. De plus, ce système favorise le drainage du composé vers une station où l'on peut pomper plus de 2500 m3 de lixiviat chaque jour. Avant d'être rejeté et traité à l'usine d'épuration des eaux usées de la communauté urbaine de Montréal, le produit est d'abord traité par oxydation sur le site même. Le CESM a établi un programme de surveillance environnementale pour vérifier, notamment, la qualité de l'air ambiant sur le site et hors site, suivre la migration des biogaz dans le sol et mesurer la qualité des eaux souterraines. |
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