Infrastructures souterraines : le détartrage des conduites

 


 

Par J.-C. Labruguière, ing., M.ing.,
collaboration spéciale

 

Quelle méthode choisir pour le détartrage des conduites de distribution d'eau potable?

Nettoyage eau-air-eau
La limitation de la méthode de rinçage usuelle des conduites réside dans le problème de générer des débits et des vitesses d'écoulement convenables dans les conduites de diamètre moyen ou plus grand dans les zones de faible pression ou dans les conduites tuberculisées (fonte grise, fonte ductile, etc.)

Le nettoyage eau-air-eau est une technique développée pour palier à ces difficultés.

La méthode consiste à injecter de l'air filtré par saccade dans la conduite par une bouche d'incendie. Cet air injecté se déplace à travers le courant d'eau et y provoque de la turbulence. Chaque bulle qui se déplace est suivie d'un vide qui se remplit immédiatement avec l'eau environnante. Ce phénomène provoque un effet pulsatoire de l'eau de rinçage, entraînant pratiquement tous les dépôts amovibles de la conduite. L'air et l'eau y compris les dépôts solides sont éjectés à une bouche d'incendie se trouvant à l'autre extrémité de la conduite nettoyée. L'objectif de cette méthode est d'enlever les dépôts solides sans enlever ou endommager la corrosion incrustée, car il s'agit uniquement d'améliorer la qualité de l'eau.

Nettoyage par racleurs souples
Le nettoyage par racleurs souples est une technique où un cylindre en mousse de polyuréthane est introduit dans la conduite en un endroit pertinent. Pour une bonne performance, le racleur doit s'ajuster de façon serrée à la paroi de la conduite, mais pas serrée au point de créer un frottement excessif. Un choix judicieux consiste à choisir un racleur ayant un diamètre supérieur de 25 % à celui de la conduite pour des conduites ayant un diamètre allant jusqu'à 300 mm. Dans le cas des conduites ayant un diamètre supérieur à 300 mm, le racleur devrait avoir un diamètre de 75 mm supérieur à celui de la conduite.

C'est la pression de l'eau derrière le racleur qui le pousse dans l'alignement de la conduite. Dès lors, les dépôts solides et le film biologique sont entraînés par le racleur. Les dépôts et le racleur sont éliminés en un point pertinent en aval du point d'insertion. Mentionnons qu'il existe différents degrés de dureté disponibles pour le racleur.

Un racleur mou est conseillé à titre exploratoire lorsque l'état de la conduite est inconnu lorsqu'il y a un changement de diamètre le long de la conduite (à une vanne par exemple), ou lorsqu'il y a un certain nombre de coudes. Un racleur plus rigide peut être utilisé lorsque la conduite est incrustée et que les accessoires ne réduisent pas le diamètre de façon appréciable. Cependant une réduction de 30 % du diamètre ne devrait pas empêcher un racleur rigide de passer. Si la conduite est trop incrustée, alors le racleur peut se désagréger et des fragments peuvent rester accrochés aux parois internes.

De bons résultats de nettoyage sont obtenus lorsque la vitesse de l'eau varie entre 0,8 et 1,5 m/s. Il faut tenir compte que le racleur se déplace à une vitesse d'environ 90 % à 95 % de celle de l'eau. Pour des vitesses inférieures à 0,6 m/s, il semble que l'eau court-circuite le racleur et le rende inefficace. Si la racleur se déplace trop vite, il a alors tendance à entraîner moins de dépôts solides et s'use plus vite. Pour empêcher le racleur de se renverser, on conseille de choisir un racleur ayant un rapport longueur/diamètre de 2 dans le cas des petits diamètres et de 1,5 pour les autres diamètres.

Méthodes de nettoyage abrasives (détartrage)
Ces méthodes visent à éliminer les incrusta-tions à l'intérieur de la conduite, donc à lui redonner son diamètre original. Cependant l'expérience démontre qu'il est illusoire d'enlever les tubercules à l'intérieur d'une conduite sans l'enduire d'un revêtement interne (résine d'époxy, ou mortier de ciment).

En effet, il peut en résulter des problèmes de qualité d'eau parce que la paroi qui se trouvait sous les tubercules constitue une surface susceptible à la corrosion. Les méthodes que nous allons présenter ci-après ont quelques éléments de procédure en commun.

Tout d'abord, il faut prévenir les consomma-teurs que la conduite d'eau qui les alimente sera temporairement mise hors service pour la durée du nettoyage. L'excavation de l'entrée et de la sortie du tronçon à nettoyer doit être suffisam-ment grande pour permettre un accès facile a l'équipement de nettoyage et des robots pour le revêtement interne. De plus, une section de conduite de longueur suffisante doit être enlevée à l'entrée et à la sortie. Il est conseillé de remplacer les segments de conduite enlevés par sections neuves enduites avec le revêtement choisi.

Les robinets d'arrêt des conduites de service aux consommateurs devraient être fermés afin d'éviter que les consommateurs aient des eaux contaminées et que le revêtement soit endom-magé pendant sa mise en place à cause de consommation par inadvertance. Il faut aussi prévoir une méthode de nettoyage pour enlever tous les restes de dépôts et d'enlèvement d'incrustation. Puisque les revêtements sont en général minces, la méthode de détartrage doit laisser une paroi lisse à la fin de l'opération. Si l'on doit enlever certains accessoires de robinetterie pour faciliter l'opération, il est préfé-rable de les remplacer par des accessoires neufs.

Nettoyage par alésage
Cette méthode de nettoyage implique la progression d'un outil se déplaçant longitudinalement avec mouvement de rotation sur des distances pouvant aller jusqu'à 150 m. L'outil le plus commun est un coupoir formé de lames d'acier pliées pour leur donner un effet de ressort qui les colle sur la paroi. Le coupoir est relié à une machine à l'aide de tiges interconnec-tantes qui permettent un allongement progressif. Il ne faut pas oublier d'ajouter un rouleau à la couronne de l'entrée afin de la protéger. Le coupoir est introduit à l'aval du tronçon de conduite à nettoyer de telle sorte qu'il se dirige à contre-courant avec un débit contrôlé par une vanne à l'amont de l'écoulement. Cette approche à contre-courant permet le nettoyage de la conduite. Une fois la distance de nettoyage atteinte, il faut maintenir le coupoir en rotation pendant le retrait tout en maintenant le contre-courant d'eau. il est important de maintenir l'écoulement d'eau jusqu'à ce qu'il soit dénué de saleté au point d'entrée.

Cette méthode possède certains avantages:

  • faible incidence des blocages par les déchets métalliques;
  • nettoyage de conduites fortement tuberculisées;
  • le fait de pouvoir entendre la progression du coupoir en surface aide à localiser la conduite s'il y avait problème au préalable.

Nettoyage avec grattage par traînée
Le grattage par traînée implique le halage répétitif d'un outil de grattage à l'aide d'un treuil le long de la conduite à nettoyer. Elle est applicable a des conduites dont le diamètre varie de 75mm à 1050 mm, sauf que peu utilisée lorsque le diamètre est supérieur à 450 mm. Les longueurs de conduite nettoyées varient entre 100 et 250 m, les longueurs augmentant en fonction du diamètre. L'outil de grattage consiste en un ensemble de lames d'acier en dents de scie sur un châssis cylindrique et placé en quinconce de telle sorte qu'elles permettent un recouvrement complet de la paroi. Le grattoir exécute des allers retours entre le point d'entrée et le point de sortie jusqu'à à ce que la conduite soit complètement détartrée. Il ne faut pas oublier de placer des rouleaux aux deux extrémités à la couronne de la conduite pour la protéger du frottement des câbles. À la reprise du service, il faut avertir les consommateurs de laisser couler l'eau jusqu'à ce qu'elle soit redevenue claire.

Nettoyage par grattage sous pression
Avec cette méthode, il s'agit de déplacer une unité de grattage à l'aide de la pression de l'eau dans la conduite. L'unité de grattage ou grattoir consiste en un châssis cylindrique autour duquel sont attachées des lames d'acier. Elle s'applique aux conduites dont le diamètre est supérieur à 450 mm. Si la pression est d'au moins de 210 kPa (30 psi), on peut nettoyer des longueurs assez considérables dans une même opération. Cependant, on évite les trop grandes distances à cause des difficultés possibles au passage à travers les vannes. L'application de cette méthode est préférable la nuit, car on y obtient les pressions maximales à cause des faibles consom-mations; de plus, il est plus facile d'entendre le grattoir se déplacer. À la sortie, on installe une chambre avec une vanne de contrôle des débits; on peut y recueillir le grattoir à son arrivée ainsi que les débris et les dépôts. Pour forcer le déplacement du grattoir, on utilise la vanne amont et ainsi créer la pression nécessaire. Il est important de suivre la progression du grattoir.

Remarques générales sur les méthodes abrasives

Présence des accessoires :

Il faut tout d'abord noter que la réhabilitation fournit une belle occasion de vérifier la performance des différents accessoires du réseau de distribution d'eau potable.

  • Coudes : toutes les méthodes de nettoyage peuvent négocier les coudes de 22 degrés ou moins. Quant aux coudes de plus petit rayon, ils peuvent rendre obligatoires l'excavation et le remplacement.
  • Vannes : en général, les vannes peuvent être nettoyées sur place si l'opercule est rigide. Les débris de corrosion sont enlevés des sièges des vannes par des ouvertures et fermetures successives alors que l'écoulement les entraîne. Au moment du nettoyage et de la rénovation, il faut enlever les vannes fabriquées avec un matériau résilient au moment du nettoyage et de la rénovation.
  • Réducteurs excentriques et concentriques : seuls certains racleurs souples peuvent s'y accommoder. En général, il faut les enlever et les remplacer.
  • Tés : en général, il faut les enlever et les nettoyer à la main, ou les remplacer.
  • Bouches d'incendie : il s'agit surtout de vérifier leur capacité à fournir les débits d'incendie.
  • Purgeurs d'air et ventouses : il faut les enlever avant le nettoyage et la réhabilitation.
  • Robinets de purge : aucune précaution spéciale avant le nettoyage; cependant il est faut vérifier leur fonctionnement après la rénovation.
  • Robinets d'arrêt : ils devraient être fermés avant le début de la rénovation.
  • Réducteurs de pression : ils doivent être retirés avant le début de la réhabilitation.

Mise en service après le nettoyage
En certaines occasions, il peut s'avérer nécessaire de remettre des conduites nettoyées en fonction avant l'opération de revêtement proprement dite. La chloration est alors requise accompagnée d'un rinçage. De plus, les consommateurs doivent être avertis qu'ils doivent laisser couler l'eau pour enlever les débris qui auraient pu s'accumuler au branchement de leur conduite de service.

Enlèvement de l'eau résiduelle et des débris:
Il est très important que tous les débris et toute l'eau résiduelle soient enlevés avant le début de la mise en place du revêtement. Cette opération est normalement effectuée avec des racleurs souples. Le racleur est passé aussi souvent qu'il faut pour qu'il ressorte relativement sec et propre.

Inspection pré-revêtement:
Le responsable du chantier doit vérifier que l'opération de nettoyage a été effectuée avec succès, i.e. qu'après l'opération de nettoyage avec le racleur souple, il n'y a plus de débris et que la conduite est sèche.


 

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