Petite fuite deviendra un bris spectaculaire


 

Pierre Paré, ing., Novaliner

 

En mars 2004, à la suite d'une période de froid intense, un bris d'une conduite d'adduction d'eau potable d'un diamètre de 40 pouces est survenu au niveau d'une emboîture d'une conduite en fonte grise muni d'un joint d'étanchéité constitué de plomb.

Lors des travaux d'excavation réalisés à la suite du bris, une série de variations de la profondeur du gel a été observée : elle passait du simple au double (1 m à 2 m), et ce, à des intervalles de 20 pieds, soit l'équivalent de la longueur standard d'une section de conduite. Dans le centre de chacune des trois sections composant la conduite excavée, le gel était à une profondeur de 1 m, alors qu'aux joints des sections, le gel atteignait 2 m, tandis que le recouvrement de sol au-dessus de la conduite était de 1,5 m.

Explication du phénomène
Pour déterminer la profondeur d'enfouissement des conduites, le devis normalisé BNQ 1809-300/2004 Travaux de construction ­ Clauses techniques générales ­ Conduites d'eau potable, dans son annexe A, chapitre A.1, considère que le contenu en eau dans le sol fait en sorte de freiner la "descente" du gel grâce au phénomène d'un transfert de chaleur statique et en régime transitoire caractérisé par un changement de phase. Il est également mentionné : "Le terme statique signifie qu'il n'y a aucun mouvement de l'eau dans le sol; il ne s'agit pas d'un phénomène "hydrodynamique" comme celui d'une légère fuite d'eau provenant d'une conduite et qui monte lentement à la surface du sol."

Le phénomène hydrodynamique des fuites d'eau, contrairement à un régime statique de transfert de chaleur, semble accentuer les conditions propices menant à une descente plus rapide du gel, et ce, dans les zones où elles se manifestent. Finalement, ces fuites semblent favoriser les conditions menant à l'apparition de "voûtes de gel" caractéristiques au dessus de la conduite.

Lorsqu'une voûte de gel vient en contact avec la conduite, elle assure ainsi le transfert des charges directement sur les emboîtures non étanches de la conduite, et ainsi, favorise un changement très important dans la distribution des contraintes sur celle-ci.

La rigidité de la surface gelée combinée au phénomène des voûtes de gel impose l'environnement nécessaire au transfert des charges statiques et des charges vives (induites par les véhicules circulant à proximité). Les voûtes de gel changent complètement (orientent) la distribution des contraintes sur les points faibles de la conduite sollicitée. La conduite est désormais soumise à des contraintes extrêmes.

L'érosion de l'assise et de l'enrobage due aux fuites, quoique minimes, combinée aux charges très sévères causées par la présence des voûtes de gel peut entraîner un mouvement de la conduite et exercer ainsi des contraintes extrêmes sur le pourtour du collet aux joints des conduites et provoquer une catastrophe inattendue (voir la photo : bris type).

Étant précurseurs des bris, les fuites avec le temps érodent tout d'abord, lentement, l'assise et l'enrobage des conduites et créent par la suite en période de grand froid des voûtes de gel. L'effet combiné de ces deux phénomènes peut provoquer des bris très spectaculaires, plus particulièrement vers la fin de la saison hivernale.

Conclusion
La présence de fuites favorise la création de voûtes de gel qui amplifient les contraintes sur les canalisations exposées. L'élimination de petites fuites permettrait de conserver une distribution uniforme des contraintes sur les conduites, et ainsi, la principale cause de ce type de bris catastrophique en période hivernale serait écartée pour de bon.


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