Infrastructures souterraines : partenariat pour réduire les coûts?

 

Par J.-C. Labruguière, ing., M.ing.
collaboration spéciale

 

Les sociétés d'économie mixtes (SEM) ont pour fonction de créer un partenariat entre les services publics et privés dans le but de livrer un ou plusieurs services publics traditionnels.

 

La difficulté d'instaurer des affaires avec un partenaire privé
Il est difficile pour un gouvernement de définir les exigences devant encadrer la distribution d'un service fourni par le secteur privé. En effet, le gouvernement doit surveiller l'organisme privé afin qu'il respecte ses engagements même pour des opérations de routine. De plus, il doit maintenir le niveau de service requis au meilleur coût.

Mentionnons à titre d'exemple le cas d'une municipalité de la rive nord de Montréal qui, lorsqu'elle a décidé de reprendre à sa charge la collecte des ordures, a constaté une baisse des tonnages d'environ 30 % par rapport à ce que lui facturait le privé.

Signalons à ce propos, qu'il y a alors possibilité de corruption et que la création d'une SEM ne suit pas le processus d'appel d'offres.

 

Grandeurs et misères des appels d'offres
Rappelons brièvement que le système d'appel d'offres est un mécanisme visant à éliminer les risques de traitement de faveurs. Cependant, même si ce système permet au gouvernement local de contrôler la corruption directe, certaines entreprises privées utilisent des stratagèmes pour fixer artificiellement les prix des soumissions.

Cela est d'autant plus vrai, là où les entreprises sont en situation de monopole ou peuvent créer artificiellement une situation de quasi-monopole : collusion et éviction de la concurrence font partie de l'arsenal utilisé pour obtenir des contrats. De plus, même si l'attribution de contrats respecte tous les principes de concurrence, il reste toujours la possibilité de négocier des surplus, que l'on justifie comme des imprévus ou des travaux contingents.

Au Québec, le système d'appel d'offres impose le choix du plus bas soumissionnaire en vertu de la loi. En outre, même si ce dernier n'a pas toutes les compétences requises, pourvu qu'il ait un cautionnement, il se verra attribuer le contrat. Il n'est pas rare de voir des entrepreneurs en construction soumissionner dans une municipalité où ils ont déjà eu plusieurs démêlés judiciaires.

Dans l'optique où une municipalité souhaite accorder la prestation de certains services au secteur privé, il peut être intéressant de mettre en concurrence le secteur public avec le secteur privé sur un même appel d'offres. L'exemple de la ville de HulI a permis de constater qu'un service public bien administré peut être plus performant qu'un fournisseur privé, et ce, compte tenu du fait que tous les frais ont été calculés. Il faut tout de même être pragmatique et réaliser que bien souvent le secteur public aurait besoin d'une réforme en profondeur pour être efficace.

Un but avoué de l'implication de sociétés publiques dans le processus d'appels d'offres est de favoriser la concurrence et d'assurer la ville qu'elle est à l'abri de la corruption. Il est donc concevable de créer des organismes intermunicipaux proactifs qui peuvent, sur le marché des appels d'offres, assurer à toutes les villes, même les plus petites, le meilleur prix pour la prestation adéquate de services donnés.

Il importe de signaler qu'il serait équitable pour l'entreprise privée et l'ensemble de la municipalité d'accorder au secteur public une marge de profits sur les soumissions. Les bénéfices seraient versés dans le fonds général de la ville. En outre, cela permettrait de réduire la disparité entre les zones où les travaux sont effectués par le secteur public et celles où les travaux sont effectués par le privé, en considérant que le secteur public ne peut exécuter tous les travaux à effectuer dans une même municipalité.

 

Les SEM : le recours au privé sans appel d'offres et sans transparence
En réponse à la difficulté de contrôler les prix de la prestation des services publics même dans le cadre des appels d'offres publics, le gouvernement cherche à introduire le concept des SEM pour la gestion des services publics, même si l'expérience vécue dans d'autres pays donne à réfléchir à bien des égards. Notamment, les coentreprises seront gérées par le privé qui aura obtenu le mandat sans appel d'offres. Certes, les municipalités régionales ou autres auront des représentants aux conseils d'administration, mais ces derniers seront-ils suffisamment informés ou auront-ils accès à toute l'information nécessaire pour porter un jugement critique sur les opérations de l'entreprise ?

La question du financement par le secteur privé est épineuse. Les coûts d'emprunts et les cotes de crédit du privé ne peuvent rivaliser avec celles du public. Les économies d'argent sont donc a priori loin d'être évidentes pour le contribuable municipal. En supplément, le partage des dividendes d'une SEM et la redistribution des gains est subjective. Tout comme les grandes sociétés font transiter leurs pertes et profits à travers leurs filiales pour masquer les bénéfices consentis à une catégorie d'actionnaires. Ceci est d'ailleurs une pratique assez courante, mais la majorité des gens n'en est pas informée.

 

Le secret commercial
Il apparaît essentiel que le projet de loi sur les SEM doive assujettir celles-ci aux obligations en matière d'accès à l'information. On ne pourra tolérer des augmentations de coûts sans pouvoir les valider en étudiant les bilans des opérations de la SEM, et en comparant ces bilans à ceux d'entreprises publiques dans le même domaine. En conclusion, le projet de loi sur les SEM semble créer des entreprises protégées qui se retrouveraient en situation de quasi-monopole pour un type de service, et profiteraient même des garanties de la ville pour le financement. Pour qu'une SEM soit réellement efficace, il faut qu'elle soit gérée comme une entreprise et, surtout, qu'il y ait concurrence.

 

Le contrôle démocratique
Les municipalités sont des institutions des plus démocratiques. Il apparaît que pour la gestion des services locaux, c'est effectivement le palier de gouvernement le plus accessible à la population. La position des élus et des fonctionnaires municipaux n'est pas toujours confortable. Toutefois, ils sont plus souvent à l'écoute de la réalité locale, et représentent un fort potentiel pour des réformes de gestion des services publics. Il faut garder à l'esprit que la mise en place des SEM aurait pour effet à plus ou moins court terme de réduire l'impôt foncier pour le remplacer par une tarification généralement considérée comme un impôt régressif. Le cheminement vers un système public plus performant nécessitera éventuellement une modification du rôle des élus et des fonctionnaires ainsi qu'une modification de la taille des municipalités (tel le projet "une île une ville") afin de rendre celles-ci plus efficaces. En outre, il est tout de même possible que le contribuable ait à débourser plus d'argent, car il se peut fort bien par exemple que les services rendus ne soient pas en mesure de satisfaire les exigences d'un tiers (c'est-à-dire les compagnies d'assurances).

La transition vers un système public plus efficace nécessitera éventuellement une modification du rôle des élus ainsi qu'une compréhension et une participation proactives des syndicats.

 

Peut-on réduire les prix de remise en état des conduites souterraines?
Les choix en matière d'infrastructures sont coûteux et sont des choix à long terme. Or, les outils de prévisions économiques sont à l'évidence de moins en moins fiables à long terme. Comment concilier l'émergence de solutions "robustes", c'est-à-dire qui garantissent des possibilités d'évolution et d'adaptation, avec l'incertitude qui pèse sur les ressources financières mobilisables ? Comment concilier les missions toujours plus nombreuses et complexes qu'ont à assumer les collectivités (environnement, cohésion sociale) avec des ressources toujours plus réduites par l'effet des politiques budgétaires ?

La réhabilitation s'adresse particulièrement à des infrastructures existantes, c'est sans doute là un point crucial. Il faudra donc dépenser différemment. Au cours des quinze dernières années, les sommes investies ont surtout servi à installer de nouvelles conduites dans de nouveaux lotissements résidentiels ou industriels. Les municipalités et les organismes intermunicipaux devront maintenant s'attaquer à la réfection et au remplacement des canalisations existantes.

Sur le plan fiscal, le défi est de taille puisque contrairement à l'installation de nouvelles conduites dans de nouveaux lotissements, les dépenses sur les conduites existantes ne génèrent pas de nouveaux revenus de taxation pour les municipalités. Dans ce contexte, consacrer aux conduites souterraines un peu plus d'argent qu'à l'habitude représente un effort considérable et difficile.

Finalement, tous les moyens doivent être mis en uvre par l'ensemble des acteurs afin de léguer aux générations futures qui permettront de maintenir in service fiable et moins onéreux.


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