L'eau potable : la tarification pour une diminution de la consommation?



par Nathalie Ross, M.Sc.

 

Tarification, privatisation et réduction de la consommation, autant de concepts entourant la consommation de l'eau potable qui touchent plusieurs aspects socio-écono-miques, politiques et environnementaux. Le 8 octobre dernier, divers intervenants des services municipaux ont participé à une journée technique, organisée par le Réseau Environnement, ayant pour thème: la tarifi-cation de l'eau et des matières résiduelles. Plusieurs arguments "pour" la tarification selon la consommation de l'eau et une position publique majoritairement "contre" : l'ensemble du portrait entourant la gestion des services d'eau est loin d'être limpide.

La tarification: un outil sous-utilisé
L'étendue législative de la tarification municipale vise autant les biens que les services ou les activités, en tout ou en partie. Selon M. Christian Laverdière, du ministère des Affaires municipales (MAM), les possibilités additionnelles de tarification sur la consommation d'eau potable atteignent 65 millions$. Incluant les autres secteurs pouvant être tarifés, par exemple la collecte des ordures et le déneigement, la tarification pourrait représenter 30% du chiffre d'affaires municipal. Les conclusions d'une étude réalisée en 1995 par le MAM auprès des municipalités ont permis de cibler les préalables d'une tarification efficace, dont prioritairement : 1- une identification de tous les coûts: administratifs, d'exploitations, de dette et de frais financiers ainsi que d'une provision pour le renouvellement et 2- une identification de la consommation réelle. À partir de ces informations, différentes formules de tarification sont envisageables, en partant du taux unique, encourageant la consommation, jusqu'au tarif de base, assurant un minimum de participation, en passant par des formes de tarification progressives selon le volume d'eau consommée.

La tarification par compteurs d'eau...
Environnement Canada rapporte qu'en 1994, environ 52% de la population urbaine du Canada habitait des résidences munies de compteurs d'eau. Dans certaines municipalités québécoises, comme c'est le cas pour les villes de Repentigny et de Boisbriand, le compteur est un outil en place depuis plusieurs années. Soucieuse d'appliquer l'approche de l'utilisateur-payeur, la Ville de Boisbriand a débuté l'installation des compteurs dès 1965 et visait une réduction à la fois de la consommation d'eau et des coûts d'infrastructures ainsi qu'une conservation des ressources hydriques. En 1998, la tarification de l'eau s'effectue au compteur sur tout le territoire incluant les usines, les institutions, les commerces et les résidences. Le tarif comprend deux éléments soit: le tarif de base et un tarif au volume pour l'excédent de consommation. Il s'avère difficile de savoir si effectivement les compteurs ont rempli leur mandat d'incita-tion à la réduction de la consommation d'eau potable. Certains exemples, telle la Ville de Sainte-Foy, ont montré une diminution de consommation de 30% suite à l'installation des compteurs. Malgré un effet significatif sur l'économie de l'eau, un sondage Le Devoir ­ Télé-Québec avait révélé en 1997 que 57,6% des personnes interrogées s'étaient déclarées " très ou plutôt défavorables " à la facturation au compteur de l'eau de consommation.

... Ou un maintient de la tarification forfaitaire
Il est primordial de réaliser qu'une économie de la consommation d'eau potable amène non seulement une diminution des coûts de production de l'eau mais également une nette diminution des coûts et des infrastructures pour l'épuration des eaux usées. L'approche de la Communauté urbaine de Montréal (CUM), qui doit traiter un volume d'eau de 2500000m3/jour soit l'équivalent du volume intérieur du stade olympique, est de mettre en uvre des incitatifs pour réduire la consommation résidentielle de l'eau potable. En effet, une étude a démontrée qu'une réduction de 500000m3/jour de la consommation d'eau potable entraînerait des économies de 4M$ sur la production d'eau potable et 4M$ sur l'épuration des eaux usées. Le Service de l'environnement de la CUM, avec l'aide d'un comité conjoint comprenant plusieurs municipalités, Environnement Canada, le MEF et le MAM, visent donc la sensibilisation du public pour réduire à moyen terme la consommation de l'eau potable et les rejets d'eaux usées de 20% sur l'ensemble de son territoire. Il semble que l'outil compteur d'eau ne représente pas une alternative de sensibi-lisation dans l'immédiat. Divers inconvénients des compteurs peuvent expliquer le choix de maintenir une tarification forfaitaire : une résistance politique, des transferts fiscaux et des achats d'équipement lors de l'implan-tation et des efforts de mise en place de système de mesure de la consommation ainsi que de gestion du système.

En bref...
S'il est réel que certains mythes doivent être éliminés, telle la perception de la gratuité des services d'eau ou la croyance en une infinité de la ressource, la tarification selon la consommation par l'entremise de compteurs d'eau soulève des réticences du public notamment sur la perspective d'une réelle récupération d'un bénéfice issu d'une consommation raisonnée.


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