Symposium international Paris-Québec :
réhabilitation des cours d'eau en milieu urbain



par Nathalie Ross, M.Sc.

 

Une idée brillante, celle de réunir deux villes pour un partage de la problématique de réhabilitation des cours d'eau en milieu urbain. Si l'on se fie aux prévisions rapportées par les Nations Unies, la population mondiale augmentera à un taux d'un milliard d'habitants au cours de la prochaine décennie et de 2 milliards pendant les deux décennies subséquentes. De ce nombre, 80% habitera les régions urbaines en 2025. Cette explosion démographique explique en majeure partie les préoccupations concernant la gestion de la ressource hydrique en milieu urbain. Près de 50 conférenciers du Québec, de la France et des États-Unis ont présenté à ce Symposium, leurs réalisations et leurs visions de l'état des cours d'eau, de la gestion, du réaménagement et de la réduction des rejets en milieu urbain. Les actions concrètes des villes de Paris et de Québec ont montré que la notion du développement durable n'est plus qu'un simple principe mais fait partie intégrante des processus de décision en matière de gestion de la ressource.

Paris modernise ses installations d'épuration
Paris, ville de plus de 2 millions d'habitants et de plus de 8 millions en comptant les agglomérations, était assainie par une trentaine de kilomètres d'égoût au début du 19e siècle alors qu'elle rassemblait 550 000 habitants. L'amélioration des conditions sanitaires a été grandement stimulée notamment suite à la grave épidémie de choléra qui éclata en 1831. Aujourd'hui, le réseau d'assainissement parisien atteint une longueur totale de 2300 kilomètres. En 1990, la Ville de Paris a mis en uvre un programme de modernisation de son schéma d'assainissement, plaçant la protection du milieu naturel en tête de ses objectifs, et visant la réduction des déversements en Seine afin d'éviter le retour des effets de choc.

On considère deux types d'effets des déversements en Seine. Le premier, l'effet immédiat, ou l'effet choc, s'exprime par une baisse rapide de la concentration en oxygène de l'eau suite à la décomposition de la matière organique (les contaminants) pouvant mener à l'asphyxie et la mort des poissons lorsque la teneur en oxygène descend en dessous de 1,5 mg/L. De façon générale, le milieu naturel retrouve son état initial en 2 ou 3 jours. Le deuxième, l'effet différé, résulte de l'accumulation des métaux lourds et des micropolluants fixés sur les particules décan-tant au fond du fleuve. Les effets choc sont d'autant plus importants depuis que les poissons sont revenus dans la Seine, notamment suite à des ensemencements, et que de nombreuses berges ont été aménagées en espaces de détente et de promenade. Le programme de modernisation de l'assainissement parisien vise trois axes de réalisation : 1- une étude de diagnostic, lancée en 1992, et visant à mieux comprendre le fonctionnement hydraulique du réseau, 2- une mesure des débits et des hauteurs d'eau en réseau, et 3- une modélisation du fonctionnement du réseau. À l'aube du 3e millénaire, Paris espère détenir un meilleur portrait de son réseau d'assai-nissement et de réaliser une modernisation des déversoirs d'orage dans la Seine.

...et innove dans la préservation piscocole
Les orages particulièrement violents de juin 1990 et mai 1992 ont occasionné un déficit en oxygène dissous dans la Seine menant à une déplétion des poissons. Dans le cadre de sa mission de sauvegarde du milieu naturel, le SIAAP (Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne) a entrepris dans un premier temps de recueillir de l'informa-tion sur la concentration en oxygène dissous sur 9 stations de mesure de la Seine sur près de 85 km en aval de Paris. Dans un deuxiè-me temps, le SIAAP a lancé l'opération ''îlot de survie'' qui consiste en un système d'injection d'oxygène pur assurant la survie piscicole en situation d'orage (Figure 1). En tout 12 îlots ont été installés et malgré un certain retard dans l'opération, d'importants orages, en septembre 1994 et juillet 1995, ont permis de tester la validité du concept et des catastrophes écologiques ont été évitées. Les résultats d'une étude préliminai-re ont corroboré l'hypothèse de préservation de la vie piscicole en maintenant une concentration en oxygène dissous au-dessus de 1.5 mg/L sur une distance de plusieurs kilomètres du point d'injection. D'autres travaux sont prévus pour étendre et sécuriser la zone de protection.

Québec se mobilise dans la gestion et la réhabilitation de ses cours d'eau
La réhabilitation de la Rivière Beauport, de la Rivière Saint-Charles et le Mouvement Rivière Vivante représentent autant d'exemples de gestion intégrée et de développement durable mis de l'avant par des intervenants industriels, des organismes gouvernementaux et des citoyens de la région de Québec. Dans le cas de la Rivière Saint-Charles, un système intégré d'aide à la décision (SIAD) a été développé permettant de rassembler les divers intervenants responsables de la planification et de la gestion du territoire. À l'aide des quatre éléments constituants du SIAD : 1- une base de données, 2- un système d'information géographique, 3- une cartographie écologique et 4-, un logiciel d'analyse multicritère, les décideurs sont en mesure de gérer l'aménagement de la plaine alluviale de la Rivière Saint-Charles, c'est-à-dire de tenir compte des enjeux locaux et des intérêts des différents groupes, d'offrir une première approche à l'élaboration d'un plan de gestion et d'offrir des outils conviviaux et transférables aux représentants des instances décisionnelles locales.

À la Ville de Beauport, un groupe de citoyens s'est formé et a conçu un plan directeur intégré de la rivière Beauport et de ses affluents basé sur trois concepts : 1- le développement durable, 2- le concept de paysage et 3-, le concept de corridors verts. Le concept de développement durable implique une mise en valeur des potentiels faunique et paysager de la rivière en équilibre avec le développement urbain. Mais encore, l'approche de gestion par bassin versant est fortement encouragée. Le concept de paysage découle des caractéristiques visuelles du territoire englobant les interactions entre l'activité humaine et l'environnement naturel. Les corridors verts sont définis comme ''des couloirs linéaires terrestres ou aquatiques reliant les ressources naturelles et culturelles''. Ils visent la préservation de la diversité biologique, l'accessibilité des espaces naturels, l'augmentation de la qualité de vie des citoyens, le développement d'activités récréatives, la création d'outils éducatifs telles les classes vertes, la préservation de lieux historiques, l'augmentation potentiel de la valeur foncière des propriétés du secteur, une incitation pour l'établissement d'entreprises privées et le développement de produits touristiques. Tels sont les principes que le CBEC (Comité pour le bien-être des citoyens) de la Sablière a proposé aux citoyens et citoyennes pour sauvegarder la rivière Beauport et ses atouts.

Pour une diminution de la pollution visuelle
La gestion de l'eau de pluie diminue grandement les apports de pollution diffuse pour les cours d'eau récepteurs. Cette forme de pollution peut être de nature chimique, physique et esthétique. Dans cette optique, John Meunier Inc. a développé de nouvelles méthodes d'enlèvement des ''flottants'' (papiers, cartons, condoms, gras de conduite, etc.) lors des déversements des eaux d'orages. La méthode propose un nouveau type de dégrilleur breveté (un grillage servant à retenir les flottants). Des études de laboratoire, effectuées à l'École Polytechnique de Montréal, ont montré des efficacités d'enlèvement variant entre 51% et 100% tout dépendant du type de flottant (Tableau 1). Également, les caractéristiques du design du dégrilleur ont permis de maintenir des pertes de charge minimes, c'est-à-dire que l'écoulement hydraulique demeurait efficace malgré la présence de flottants. Ce dégrilleur, nommé OS-LP, représente une solution efficace lorsque l'application requiert de grands débits de débordement et que l'interception de flottants ne doit pas être négligée.

Le traitement des odeurs en milieu urbain
Les senteurs caractéristiques lors du traitement des effluents urbains, principalement causés par la présence d'hydrogène sulfuré (H2S), représentent un facteur primordial à contrôler pour assurer un traitement des eaux en milieu urbain. Le H2S provient à la fois de produits industriels à base de sulfures et de la transformation de composés par les bactéries dites sulfato-réductrices. Non seulement responsable d'une odeur nauséabonde, le H2S présente : une toxicité importante, un risque de formation de mélanges explosifs et une forte capacité de corrosion des matériaux bétons, des métaux et des équipements électromécaniques (Tableau 2).

Hydro Chemical France a développé le procédé Nutrinox pour la prévention de la formation des sulfures. Le principe de ce produit inhibe le développement des bactéries sulfato-réductrices, responsables de la formation d'hydrogène sulfureux. L'efficacité de Nutrinox est assurée par un bon dosage dans les puits d'injection sur la station d'épuration des eaux. La validité du procédé a été testée sur la station d'épura-tion de SEINE AVAL, à Paris. Cette expé-rience a montré que l'injection de Nutrinox permettait de réduire 60% de la concentra-tion en sulfures dissous. Ainsi, Nutrinox a contribué à diminuer la concentration en H2S à un bas niveau du seuil olfactif, ce dernier se situant entre 0.005 et 0.15 mg/L.

En conclusion
Ce Symposium, organisé par la Mairie de Paris, la Ville de Québec, le Réseau Environ-nement et l'Association générale des hygié-nistes en technique municipale, débouchera sur l'établissement d'un plan d'action et de recherche conjoints entre Paris et Québec. En bref, le symposium a offert une plate-forme d'échanges multi-scientifiques et multi-usagers, donc englobant des intérêts divers, voire opposés dans quelques cas, s'inscrivant harmonieusement avec la perspective du développement durable.


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