La bioremédiation ou quand la nature se spécialise



par Nathalie Ross, M.Sc.

 

"Viser l'éco-efficacité, l'utilisation de l'énergie éolienne, solaire et microbiolo-gique"; le ton était lancé par M. Ralph Nader, conférencier d'ouverture au 5e Symposium international sur la bioremédiation des sites contaminés qui s'est tenu à San Diego (Californie, USA) du 19 au 22 avril dernier. M. Nader a été honoré par la revue Time comme l'un des 100 Américains les plus influents du 20e siècle. Comme avocat en environnement, il a grandement contribué à la défense du principe de développement durable. Les biotechnologies environne-mentales, en utilisant les micro-organismes pour dépolluer les eaux, le sol et l'air, font assurément partie d'une vision de développement durable. Dans le décor charmant de San Diego, plus de 600 conférenciers et 1500 participants sont venus mettre en commun leur savoir et promouvoir des technologies éprouvées sur le terrain.

Aider la nature par la bioaugmentation
Plusieurs contaminants, tel le trichloro-éthène (utilisé entre autres dans l'industrie textile) peuvent être biodégradés. Cepen-dant, il arrive que les micro-organismes capables de les métaboliser ne soient pas toujours présents sur le site ou encore, que leur nombre ne permette pas une déconta-mination rapide. Dans ces cas, la stratégie de remédiation peut intégrer une injection de micro-organismes adaptés au contaminant (Figure 1).C'est sur le principe d'adaptation d'une microflore indigène d'un site contami-né à une solution de préservation du bois (site d'entreposage de poteaux) que Mme Valérie Bécaert, de l'École Polytechnique de Montréal, a basé ses recherches. En effet, les résultats ont montré que les bactéries présentes dans ce sol étaient déjà acclima-tées à ce type de contaminant mais aussi, a-t-il été possible de renforcer cette adaptation en réacteur par l'ajout de concentration croissante (jusqu'à 200 mg/l) de solution de préservation de bois. Ces bactéries, utilisant la solution comme source de carbone pour leur croissance et leur multiplication, pourront ensuite être ré-injectées dans un site où un biotraitement est envisagé.

Des essais concluants ont été effectués sur le terrain par une équipe d'Environgen Inc. (New Jersey, USA) où des micro-organismes modifiés génétiquement ont été injectés dans une eau souterraine contaminée à l'alcool ter-butylique (TBA), un additif de l'essence. Ces micro-organismes avaient à la fois la capacité génétique de ne pas se fixer au matériel géologique, leur offrant une plus grande mobilité, et celle de dégrader le contaminant cible. "La bioaugmentation a permis une réduction de 85% de la concentration en TBA pendant trois mois d'expérimentation. Quoique la bioaugmen-tation ne s'applique pas à tous les genres de terrains et contaminants, cette biotechnolo-gie a été efficace et a nécessité un faible investissement financier dans notre cas" a conclut Mme Mary F. DeFlaun.

Créer des murs de bactéries pour traiter les eaux souterraines
Le mouvement naturel des eaux souter-raines est utilisé comme vecteur pour leur traitement à travers une biobarrière. La composition de ce "mur réactif" varie en fonction des polluants à biodégrader ou encore, pour changer leur forme physico-chimique, les rendant ainsi moins toxiques (ex. les métaux lourds). Le drainage minier acide (DMA), provenant de la lixiviation des sites d'entreposage de résidus miniers, sont riches en sulfate et métaux lourds dissous. "Une application des biobarrières consiste en une paroi poreuse réactive dans laquelle sont injectées des bactéries "sulfato-réductrices" mentionne M. McGregor de la firme Water Technology International (Ontario, Canada). Ces bactéries utilisent le sulfate dans leur métabolisme et le transforment en sulfure. Le sulfure forme des complexes insolubles avec certains métaux lourds et la toxicité de l'eau souterraine en est d'autant réduite (Tableau1). "Un essai sur le terrain a montré une réduction de la concentration en cuivre dissous de 300 mg/l à 5µg/l suite au passage de l'eau souterraine à travers notre barrière réactive", rajoute M. McGregor.

L'innovation a un prix?
La liste d'innovations en matière de biotechnologies environnementales présentées à ce 5e Symposium international sur la bioremédiation des sites contaminés est encore longue et nul doute qu'une vision de développement durable converge avec l'utilisation des micro-organismes pour une réduction de la pollution mais aussi, pour la conservation de la ressource eau et sol. Il est impressionnant de constater l'étendue des types de contaminants (huile brute, explosifs, produits chlorés, etc.) ainsi que la variété des conditions dans lesquelles un biotraitement peut être appliqué (compostage, régions froides, sédiments, etc.).

Cependant, deux aspects devront être revus: 1- la contamination de terrains dans le but d'en faire une étude de biotraitement et 2- l'injection in situ de bactéries modifiées génétiquement sans étude d'impacts au préalable. Ces pratiques amènent une inquiétude et il va sans dire que des pressions devront être exercées pour ré-orienter certains types de recherches ou de travaux.


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