L'avenir des biotechnologies environnementales et la LCPE


par Nathalie Ross, M.Sc.

 

Plusieurs technologies de décontamination des sols et des eaux souterraines reposent sur la dégradation par des micro-organismes. Ces organismes microscopiques assimilent et dégradent, pour leur croissance et leur multiplication, les contaminants organiques tels les hydrocarbures de l'essence et les BPC (Figure 1). L'utilisation de ces technologies amène une certaine inquiétude dans le public surtout en ce qui a trait à l'introduction d'organismes transformés génétiquement. Une préoccupation partagée par Environnement Canada qui a modifié le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles afin d'inclure les produits biotechnologiques dans la LCPE (Loi canadienne sur la protection de l'environnement). En vigueur depuis le 1er septembre 1997, le Règlement suscite des réactions et des interrogations de la part des intervenants du domaine juridique, de la recherche, des industriels utilisateurs des biotechnologies environnementales et des responsables du Ministère de l'environnement et de la faune (MEF).

Un Règlement pour protéger les citoyens
"La mise en place de ce Règlement donne au Canada le statut de chef de file mondial quant à la protection du public pour contrer les effets potentiels des produits biotechnologiques. Par contre, ce Règlement transmet un message à l'effet que les biotechnologies environnementales sont dangereuses" affirme Me Kim Francoeur, avocate chez McCarthy Tétrault. En effet, les mesures de la LCPE relatives aux substances nouvelles, comprenant les micro-organismes, visent à garantir qu'aucune de ces substances ne soient introduites sur le marché canadien tant qu'on n'a pas évalué si la substance est "toxique".

La toxicité est évaluée en terme de "risques" d'effets sur la santé humaine, les animaux et les plantes. L'évaluation du risque, associé à l'introduction de micro-organismes, par des études de toxicité (effets sur les humains), d'écotoxicité (effets sur les écosystèmes) et de biodiversité demande une connaissance scientifique approfondie des effets à court et long terme dans l'environnement. " Des connaissances dont on ne dispose pas toujours " mentionne M. Rock Bégin du MEF.

Le Canada divisé en 15 écozones
Une particularité du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, est le découpage du Canada en régions écologiques (Figure 2). Basée sur une vaste étude comprenant une base de données exhaustive, cette subdivision du territoire canadien prend la forme d'un casse-tête lorsqu'il s'agit de traiter des sols provenant de surfaces chevauchant deux ou plusieurs écozones. " Prenons le cas du territoire québécois divisé en 7 écozones, la gestion des sols se complexifie lorsque la notion de micro-organismes "indigènes" (présents de façon naturelle) varie selon qu'on se trouve au nord ou au sud du Fleuve Saint-Laurent " explique M. Marc Lapointe, chef de la section environnement chez Bell Canada.

L'avenir de l'industrie des biotechnologies environnementales
Un parallèle peut être établi entre les industries biotechnologiques pharmaceutiques et environnementales en ce sens que toute deux doivent faire une gestion du risque associée à l'utilisation de leurs produits et sous-produits. " Mais la comparaison s'arrête là, le processus de développement d'une technologie de dépollution par voie biologique ne doit pas être perçu comme celui du développement d'un produit pharmaceutique ", exprime le Dr. Denis Rho de l'Institut de recherche en biotechnologie.

Sur le plan économique, les démarches de dépollution initiées par un industriel sont synonymes de dépenses. L'ajout de frais de recherche et d'analyses afin de démontrer le risque environnemental associé à une technologie biologique peut orienter les choix vers les technologies de remédiation physico-chimiques et thermiques. " Ne perdons pas de vue que par rapport aux technologies de décontamination physico-chimiques et thermiques, les biotechnologies environnementales sont les seules à préserver les ressources que sont les sols et les eaux souterraines ", mentionne le Dr. Réjean Samson, directeur de la Chaire industrielle CRSNG sur les bioprocédés d'assainissement des sites de l'École Polytechnique de Montréal. La majorité des intervenants du secteur s'entendent pour dire que l'application de la modification du Règlement sur les substances nouvelles va assurément stimuler la recherche en microbiologie environnementale, en toxicité et en écotoxicité, mais que parallèlement, l'industrie va probablement vivre un ralentissement si des assouplissements ne sont pas envisagés.


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