Les infrastructures d'eau au Québec: état présent et vision d'avenir

Par Yves Dudal, collaboration spéciale

Synthèse du Symposium sur la gestion de l'eau au Québec

Les 10, 11 et 12 décembre derniers s'est tenu au Palais des Congrès de Montréal le Symposium sur la gestion de l'eau au Québec, organisé par l'Institut National de la Recherche Scientifique (INRS-EAU), avec la collaboration du Réseau Environnement (anciennement AQTE-AESEQ). Ce symposium regroupait les professionnels du domaine de l'eau et de sa gestion ainsi que tout membre associatif de la société québécoise désireux de participer au débat sur cette ressource naturelle. Durant les trois jours, les interventions des spécialistes (acteurs du terrain et chercheurs) ont précédé discussions et prises de position de l'assemblée sur le sujet. Plusieurs séances du symposium ont été consacrées aux infrastructures de l'eau dans la province tant au niveau de leur état général que de ce qui devait être mis en oeuvre afin de les améliorer.

Lors de son allocution d'ouverture, le Premier Ministre, Monsieur Lucien Bouchard, rappelait le véritable enjeu que représente l'eau pour la société québécoise, comme voie de communication ou richesse de développement économique mais aussi comme défi environnemental. Avec ses 4500 rivières, son demi-million de lacs et les 3000 km du majestueux St Laurent, le territoire du Québec contient à lui seul 3% de l'eau de la planète. La ressource est intarissable, encore faut-il en maîtriser l'utilisation et la qualité. Les infrastructures d'eau prennent alors toute leur importance, qu'il s'agissent des ouvrages de retenues, des réseaux de distribution ou encore des usines de traitement ou d'assainissement; un énorme pont technologique rendant la ressource disponible à l'humain, et nécessitant une grande attention et nombre d'investissements.

L'état des infrastructures d'eau au Québec
De grandes difficultés sont éprouvées dès lors que l'on cherche à connaître l'état des réseaux d'aqueduc ou d'égoût. En effet, autant l'augmentation théorique du nombre de bris en relation avec l'âge des canalisations est connue, autant la détection de ces bris sur le terrain n'est pas chose facile. Encore moins l'est l'oscultation préventive du réseau. Certains indicateurs sont utilisés tels que les taux de fuites ou encore les débits de nuit, période pendant laquelle les fluctuations dues aux utilisations sont bien moindres. Le nombre de réparations peut lui aussi servir d'indicateur, mais minimise sans aucun doute l'ampleur des bris.

L'INRS-Urbanisation a réalisé une étude-sondage pour le compte du Ministère des Affaires Municipales, étude très détaillée portant sur l'état des réseaux d'eau potable et d'égoût de 222 municipalités du Québec. Concernant les ouvrages externes, aucun problème majeur n'a été décelé: que ce soit pour l'eau potable ou les eaux usées assainies, la qualité est présente. Les conclusions sur l'état des conduites sont moins évidentes. Outre les difficultés mentionnées plus haut, les municipalités ont bien souvent du mal à établir des bilans d'eau ainsi que l'état de leurs infrastructures. Il n'en reste pas moins que 74% d'entre elles procèdent à des inspections ou des diagnostics du réseau. Plusieurs résultats intéressants ressortent de cette étude: sur les 15986 km de réseau sur lesquels portait le sondage, 51 % des bris sont jugés négligeables, 40 % tolérables et seulement 10% d'entre eux intolérables. Concernant l'âge des conduites, 65% d'entre elles ont 35 ans ou moins; la fonte grise est le matériau le plus utilisé, 47%, mais représente aussi 73% des bris intolérables. Depuis 1976, le CPV (chlorure de polyvinyle) est venu remplacer la fonte et il faudra attendre quelques décennies pour s'assurer de sa meilleure résistance, en effet, 93% du kilométrage a un temps de renouvellement de 110 ans. Du côté des réseaux d'eaux usées, beaucoup moins d'inspections sont entreprises, et malgré les quelques problèmes de refoulement et d'infiltrations, l'état général de ces réseaux est satisfaisant.

Le financement
Il apparaît clairement que la gestion des infrastructures d'eau et principalement celle des réseaux implique des investissements très importants. Ceux-ci sont généralement couverts par les municipalités. Autant il est aisé de concevoir le financement d'un nouveau tronçon afin d'alimenter des nouvelles habitations (souvent à la charge du promoteur), autant la réfection des tronçons existants pose des difficultés de financement. L'essentiel des coûts étant fixe, dus à la maintenance du réseau, la tarification par compteur paraît moins appropriée, sans compter les coûts très importants engendrés par la pose et le relevé de ces compteurs. Par contre, ils peuvent s'avérer d'une grande aide lors de l'élaboration des bilans d'eau par les municipalités, les compteurs pouvant alors être considérés comme des débimètres, c'est à dire des outils de gestion fort intéressants.

Vision d'avenir
Trois enjeux retiennent l'attention quant à l'avenir des infrastructures d'eau. Au niveau du financement tout d'abord, la facture d'eau doit-elle inclure les coûts de dépollution et d'assainissement ? Question difficile lorsque chaque municipalité gère son système. Deuxièmement, il est clair que les normes de potabilité de l'eau vont évoluer. Une eau dite potable aujourd'hui ne le sera sans doute plus demain, vérité qui entraîne des obligations d'investissements considérables. Enfin, la recherche technologique doit se pencher sur des méthodes permettant une bien meilleure connaissance des réseaux, que ce soit au niveau de l'oscultation préventive ou de la détection des bris. L'utilisation de caméras souterraines est une piste à suivre: aux États-Unis, 7% du linéaire est inspecté par caméra chaque année.

Des défis majeurs donc, auxquels la société se doit de faire face, avec comme base de réflexion et d'action les trois axes du développement durable:

  • Environnement
  • Économie
  • Éthique


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