Le béton prend la voie verte ! Par: Marcel Tremblay
Un chercheur se plaît à mélanger des résidus industriels au ciment Portland afin d'obtenir un béton plus performant et durable pour nos routes. Coup double, puisque ces matières résiduelles, souvent toxiques, s'accumuleraient autrement dans nos sites d'enfouissement ! C'est dans son laboratoire de l'université de Sherbrooke que le professeur en génie civil, Arezki Tagnit-Hamou, effectue ses travaux sur les produits contaminés provenant d'alumineries. Les résultats seront bientôt publiés par l'Association américaine du béton. Les producteurs d'aluminium utilisent de la bauxite qui est fondue dans des cuves d'acier protégées par un enduit réfractaire à la chaleur, nommé brasque. Avec le temps, du cyanure s'y incruste. "Présentement, devenu déchet, cet enduit est enlevé et entreposé avant d'être expédié aux États-Unis pour y être enfoui. À Montréal, une entreprise réussit à éliminer ce cyanure en cuisant cette brasque à des températures élevées. Il en résulte un produit comparable au laitier de hauts fourneaux provenant de fonderies et utilisé par l'industrie du ciment. C'est un matériau alternatif que j'expérimente dans mon labo", déclare Monsieur Tagnit-Hamou. Pour ces expériences, la matière première ne manque pas puisque selon certaines études, la production mondiale d'aluminium primaire pour l'année 2000 a dépassé les 8 millions de tonnes. Or, la fabrication de 100 tonnes d'aluminium peut générer jusqu'à 2,5 tonnes de résidus. Des résidus recyclés dans le ciment Un concept de plus en plus populaire Le ciment "ternaire" que produit Ciment St-Laurent depuis 2001 est constitué de cendres volantes et de fumée de silice. Nommé TerC3, il a été utilisé notamment pour la réhabilitation de certains tronçons des autoroutes 13,15 et 20. En plus de procurer une très grande durabilité, il permet au béton d'être beaucoup plus imperméable aux agressions chimiques externes, telles les chlorures provenant des sels fondants. Ces sels sont responsables de la corrosion prématurée des armatures présentes dans le béton. "Un autre avantage est qu'il permet au béton de poursuivre sa performance mécanique même après la période de mûrissement normale de 28 jours", explique Jean-Claude Leduc de Ciment St-Laurent, et, "c'est pourquoi nous l'utilisons pour des projets de construction devant être particulièrement durables, comme les chaussées, les ponts, les tunnels, les viaducs, les barrages et les plates-formes pétrolières." La cimenterie Ciment Lafarge utilise depuis l'année 2000, un liant "ternaire" à base de laitier de hauts fourneaux et de fumée de silice. Il procure au béton d'excellentes performances, rapporte Martin Perreault : "Nous l'utilisons présentement sur plus de 5 kilomètres de l'autoroute 40, près de Côte de Liesse. Pour produire les 70000m3 de béton requis pour ces travaux de réhabilitation, près de 25 000 tonnes de ce liant est utilisé. Nous l'appliquons autant pour les fondations de maisons ou d'entreprises que pour les poutres de ponts. Il n'y a presque pas de limite." L'utilisation de ce type de liant se généralise dans l'industrie. Comme pour les micro-brassseries, où chacune a sa recette qui la distingue de la concurrence, les cimenteries québécoises en font tout autant avec les liants composites. "En général, le béton utilisé pour les travaux routiers est fait avec un ciment classique ou un liant binaire. L'utilisation d'un liant ternaire procure beaucoup d'avantages pour l'industrie et la communauté", explique le chercheur sherbrookois. "D'une part, nous utilisons des résidus industriels. Ensuite, en réduisant la quantité de ciment, nous diminuons le volume de gaz à effet de serre émis. Enfin, nous obtenons des bétons beaucoup plus performants et durables." Encore du nouveau "Ce liant pourrait être conçu spécifiquement pour les barrages hydroélectriques. La présence de tous ces éléments permet au béton de s'hydrater avec le temps ce qui diminue sa porosité et sa perméabilité. Par rapport au béton traditionnel, nous croyons pouvoir doubler la durée de vie des infrastructures", poursuit le chercheur. Ce n'est pas tout ! Les résultats de ces travaux seront certainement suivis de près par plusieurs industries, notamment celle du recyclage. Pour cette dernière, fournir la matière première n'est pas un problème puisqu'en 2000, au Québec seulement, elle a récupéré quelque 90 000 tonnes de verre, dont près de 40 000 étaient de type mixte. Des résidus qui intéressent de plus en plus de gens Le ciment est nécessaire à la fabrication du béton. Selon certaines études, la fabrication d'une tonne de ciment génère environ une tonne de CO2. Il est responsable d'environ 5% des émissions de ce gaz sur la planète. Cette situation doit être prise au sérieux car le béton est appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans le développement et le maintien de l'activité humaine. Le recours aux ajouts minéraux est certainement la voie la plus prometteuse à suivre afin d'assurer un développement durable à l'industrie du béton. Un béton classique est fait de quoi ? Pour obtenir le ciment, on broie simultanément du calcaire, de l'alumine, du fer et de la silice. Le mélange est cuit à haute température dans un four rotatif. Il en résulte, sous forme de gros cailloux, le "clinker" qui, à son tour combiné à une faible quantité de gypse et broyé, donne une poudre fine appelée le ciment Portland. Les adjuvants (comme les réducteurs d'eau) incorporés au béton, permettent d'ajuster sa maniabilité, sa finition, sa couleur, son temps de prise, sa résistance ainsi que sa teneur en eau et en air. |
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