Les grands chantiers
du siècle : le canal de Panama

Par Sylvain Lafontaine
Cette nouvelle chronique a pour mission
de présenter de grandes réalisations humaines qui ont un impact
significatif sur le développement de certaines régions du
monde. Fin de siècle oblige, nous accorderons une importance particulière
sur les projets qui ont marqué le 20e siècle tant par leur
utilité que par l'ampleur des travaux nécessaires à
leur érection.
Peu de projets ont eu un impact aussi important sur l'économie
mondiale que la réalisation du canal de Panama. La construction de
ce canal qui traverse le Panama, un petit pays situé au coeur de
l'Amérique Centrale, avait pour objectif de relier par voie de navigation
l'océan Pacifique et l'océan Atlantique et ainsi écourter
le trajet des navires de plusieurs milliers de kilomètres.
Le rêve de créer un lien maritime entre ces deux océans
en creusant un canal à travers l'isthme du Panama ne date pas d'hier.
Dès le 16e siècle, les Espagnols avaient étudié
la réalisation d'un tel canal afin de se rendre par bateau à
leurs réserves d'or au Pérou et en Équateur sans pour
cela devoir contourner le périlleux Cap Horn à la pointe extrême
sud du continent sud-américain. Toutefois, en raison de la technologie
de l'époque et de contraintes à la fois politique et militaire,
le projet ne vit pas le jour. Par la suite, une entreprise française
fit une tentative afin de construire le canal vers la fin du 19e siècle,
mais elle dut déclarer forfait, vaincue par des contraintes monétaires
imprévues, l'insuffisance technologique et les maladies tropicales.
Il fallut attendre jusqu'en 1903 avant de voir le projet réellement
prendre son essor avec l'obtention par les États-Unis d'une concession
à perpétuité d'une bande de terre de 10 milles de large
sur une longueur de 51,2 milles suite à la signature d'un traité
avec le gouvernement du Panama. 
Un chantier phénoménal
Les travaux étaient d'une ampleur gigantesque. Bien que le canal
de Panama soit relativement court (environ 68 km, ce qui représente
8 heures de navigation), sa construction se heurta à de très
grosses difficultés, notamment en ce qui concerne la mise en place
des écluses de la section Atlantique et de la création d'un
passage à travers le Col de Culebra. Le chantier se fit en plusieurs
étapes et une des plus importantes fut la construction d'un barrage
sur la rivière Chagres à la hauteur de Gatun afin de créer
un lac artificiel de 423 km2 à 85 pieds au-dessus du niveau de la
mer, lac sur lequel les navires pourraient naviguer. Pour y accéder
à partir de l'océan Atlantique, les ingénieurs durent
prévoir la construction d'une série de 3 écluses afin
de pouvoir atteindre le niveau des eaux du lac Gatun. À l'extrémité
ouest de ce lac, il fallut creuser le fameux Corte de Calubra (également
appelée Gaillard Cut, en hommage à l'ingénieur français
qui s'est attaqué le premier à cet obstacle naturel), une
énorme tranchée de 8 kilomètres de longueur et de 91
mètres de largeur qui coupe les flancs de la Cordillère centrale.
Finalement, afin d'amorcer une courbe descendante vers l'océan Pacifique,
le canal se termine par deux séries d'écluses, soit les écluses
de Pedro Miguel et les écluses Miraflores.
Pour la réalisation de ce projet, les américains utilisèrent
plusieurs machines et infrastructures laissées à l'abandon
par les Français et firent venir du matériel d'excavation
de la Louisiane. Fait à noter, les bulldozers et les scies mécaniques
n'existaient pas lors de la première tentative effectuée par
les français et les ouvriers devaient alors dégager le terrain
à l'aide de machettes et creuser les tranchées avec, entres
autres, des pics, pelles et explosifs. Lors du creusage du canal au Col
de Culebra seulement, plus de 512500 m3 de terre fut excavés et plus
de 4535000 kg de dynamite furent utilisés.
 Outre les coûts monétaires de la construction du canal
(approximativement 390millions$US à l'époque), les coûts
humains défient l'imagination. Durant les 11 années que nécessita
la construction, 5609 ouvriers y trouvèrent la mort, frappés
par la rigueur du climat, la malaria et la fièvre jaune. D'ailleurs,
sans la découverte du vecteur de la malaria qui propageait la fièvre
jaune, il est peu probable que le projet ait abouti.
De nos jours, le canal de Panama emploie près de 14000 personnes
dont 4000 Panaméens. Il fut conçu initialement pour des cargos
d'une capacité de 65000 tonnes, mais récemment des navires
de près de 300000 tonnes purent circuler sur le canal. Le canal de
Panama est emprunté annuellement par plus de 12000 navires (13536
en 1996), ce qui en fait le canal le plus utilisé de la planète.
Références:
Série Les grands chantiers du siècle :
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