Les grands chantiers du siècle : l'aéroport Chek Lap Kok
Par Sylvain Lafontaine
Le nouvel aéroport de Hong Kong, inauguré le 6 juillet 1998, a la particularité d'avoir surgi de la mer. Construit à l'origine afin de remplacer le vieil aéroport de Kai Tak qui ne suffisait plus à la demande, le nouvel aéroport de Hong Kong a été proclamé par ses constructeurs comme étant le plus grand projet de génie civil de l'histoire. Étant donné le manque d'espaces vacants à Hong Kong, l'aéroport a dû être construit sur une île artificielle, laquelle fut créée à partir de matériaux de remplissage. Le site de construction, un des plus imposants de la planète, fut choisi à 25 km de Hong Kong, à la pointe sud d'un archipel montagneux qui se nomme Lautau Island. L'aéroport couvre une superficie de 1248 ha et le trois quarts du site a été grugé à l'océan. Il a fallu près de 347 millions m3 de matériaux de terre, pierre, roche, gravier, sable marin, etc., ce qui représente le déversement d'un camion de 10 t à chaque seconde durant 31 mois. Le nouvel aéroport, fruit de l'architecte Sir Norman Foster à qui l'on doit l'aéroport de Londres-Stanstead, fait partie d'un projet collectif d'infrastructures «Airport Core Program», projet qui comprend la création de l'île artificielle, la construction de l'aéroport, la construction d'un train léger de surface et d'une autoroute passant tous deux sur un pont suspendu (le plus long du genre), et d'un tunnel qui relie l'île de Hong Kong à la péninsule de Kowloon (un immense centre urbain où l'on retrouve une densité de population inégalée). Huit nouvelles villes furent également construites près de l'aéroport afin de créer un pôle commercial et d'encourager l'urbanisation de l'île de Lantau à vocation jusqu'alors essentiellement rurale. L'ensemble du projet, estimé à plus de 20 milliards $US, fut financé par le gouvernement de Hong Kong, des entreprises internationales et locales.
La politique... La construction de l'aéroport ne s'est pas faite à l'unanimité. La Chine était fortement opposée à ce projet, suspectant la Grande-Bretagne de se servir de ce projet pour drainer les réserves fiscales de la colonie britannique avant la réintégration finale de Hong Kong à la Chine en 1998. D'ailleurs, le projet passa en phase accélérée à la suite du massacre de la place Tiananmen à Beijing en 1989, ce qui créa un froid entre les deux nations. Toutefois, le différend fut aplani lorsque les pays réalisèrent que l'inauguration aurait lieu sous l'autorité chinoise. L'aéroport Chek Lap Kok est situé à moins de 5 heures de vol d'un bassin de population de près de 3 milliards d'habitants, et à proximité immédiate d'une mégalopole comprenant 5,5 millions d'habitants, ce qui le place dans une situation géographique privilégiée. Conçu pour une capacité de 80 millions de passagers par année, soit plus que les aéroports JFK de New York et Heathrow de Londres réunis, l'aéroport est destiné à la réussite. D'ailleurs à ce niveau, il faut souligner le haut degré d'efficacité de cette installation aéroportuaire. Après quelques mois d'opération, des statistiques intéressantes ont été compilées : le délai d'attente au comptoir d'immigration pour les passagers n'est que de 15 minutes, avec une moyenne de 10 minutes pour les bagages. Environ 80% des départs se font dans les temps ou avec un retard de moins de 15 minutes sur l'horaire.
Le climat... Malgré ces belles données, le nouvel aéroport n'offre pas que des avantages. Bien qu'il offre une approche claire pour les pilotes, certains pics montagneux de l'archipel de Lautau atteignent près de 1000 m au-dessus du niveau de la mer, ce qui fait parfois obstacles aux vents dominants et engendre à l'occasion de violentes turbulences. De plus, Hong Kong est situé dans une région climatique capricieuse et subit l'équivalent de 45 jours/tempêtes par année. Pour y faire face, les autorités de l'aéroport se sont munis de nombreux équipements de contrôle météorologique, ce qui leur permet de détecter les vents dangereux et l'arrivée de tempêtes. L'un de ses appareils utilise des signaux à micro-ondes qui évaluent les variations de vitesse des particules de poussière ou d'humidité (averses de pluie) sur les trajectoires de vol des aéronefs. Dotée maintenant d'un aéroport ultramoderne où transigent présentement plus de 34 millions de voyageurs par année, la ville de Hong Kong est prête à affronter le troisième millénaire. Bien plus qu'un simple lieu de transit pour les avions, l'aéroport Chek Lap Kok est devenu le fer de lance de l'économie de toute une région avec ses routes, ponts, trains et nouvelles villes qui furent associés à ce projet. Sans contredit, cette infrastructure mérite une bonne mention dans le palmarès des grandes réalisations de ce siècle.
Références :
Série Les grands chantiers du siècle :
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